Chats numéros 8 et 9

On constate une amélioration très nette dans l’utilisation de la double chatière. (Pour mémoire : porte, sas et fenêtre sur cour à partir de laquelle la vue offre moins de suspens que celle d’Hitchcock).

On voit ainsi de temps à autre passer l’un ou l’autre dans l’un ou l’autre sens et l’on se perd parfois en conjectures (« je crois que Pollux a compris comment on entrait – oui mais alors, Castor l’utiliserait plutôt en sortie ?») qui permettent au moins de fermer la fenêtre, ce qui n’empêche pas d’aller leur ouvrir la porte quand ils le demandent gentiment.

Pendant une absence de leurs maîtres, marquent leur impatience et leur territoire sur un des fauteuils du salon. Quelques recherches sur internet amènent toutes à la même conclusion : un nettoyage efficace doit avoir lieu dans les plus brefs délais. Le forfait n’est pas horodaté mais on sent bien que ce ne sera pas possible. On suit les conseils de plusieurs sites du type « les bons tuyaux de votre grand-mère » qui préconisent un lavage avec une décoction de vinaigre blanc et de bicarbonate de soude pour se demander si l’odeur initiale n’était pas plus supportable.

 

 

Chat numéro 8

Peut rester pendant des heures dans les jambes de ses maîtres ou devant sa gamelle vide à miauler sa famine. Evite de dormir de peur de rater l’occasion de manger quelque chose.

Chat numéro 9

Peut rester plusieurs jours hors du foyer sans donner signe de vie et rentrer sereinement sans manifester le moindre signe de privation. Peut même sans trop sourciller céder sa part de repas à numéro 8. On le soupçonne de mener une double vie.

 

 

Enfant numéro 1

La prise de nouvelles fonctions au ministère des Armées est loin d’apporter l’épanouissement escompté. Les impacts (pécuniaires) promis se font attendre alors qu’entre une équipe peu amène et une hiérarchie peu solidaire, sa situation professionnelle semble bien résumée par cette belle citation d’un défunt président de la république, « les emmerdes c’est comme les cons, ça vole en escadrille ». Décide donc de se mettre en quête d’un nouveau poste dans les meilleurs délais. Grâce à plusieurs propositions, plusieurs solutions s’offrent rapidement avec divers montages juridico-administratifs où il est question de transfert, mutation, démission. A ce dernier mot, les parents s’affolent (les parents, ça s’affole) craignant -encore- la voir sans emploi du jour au lendemain. C’est finalement la manip dite « mise en disponibilité » qui sera retenue (les parents se rassurent) pour une fonction de type « data et modélisation de textes juridiques » (pour les nuls, c’est ce qu’on a compris…) avec prise de poste en milieu d’année suivante.

S’attaque à bicyclette et en couple à la traversée des Pyrénées d’Ouest en Est de Lizardi à Argelès plage. Elle se fait photographier à côté d’un grand cycliste tout nu en danseuse et en fer (pour les nuls, la statue dite « Octave » prend ses quartiers d’été en haut du col du Tourmalet).

Invite ses parents à la marbrerie (ex vraie marbrerie et vrai haut lieu culturel du brunch végétarien montreuillois) où ils la retrouvent avec son compagnon qui leur tend une chemise verte au contenu mystérieux qu’il les invite à découvrir. Ils y trouvent une paire d chaussettes de petite taille portant les inscriptions « Coucou papi & mamie » et « J’arrive en 2024 ». Ce qui lui permet de prendre une photo des parents un peu ahuris mais ravis et de la poster avec le commentaire « grand parents to be, mai 2024 » qui apporte la précision qui manquait aux chaussettes.

 

 

Enfant numéro 2

Va en couple faire la tournée des lacs italiens, non sans tester les diverses versions de tiramisu et de Spritz. Met un point d’honneur à parler la langue locale et demande très fièrement après chaque restau /apéro « la cuenta per favor » avec un excellent taux de réussite quand au bout de quatre jours, un serveur plus audacieux le corrige et lui indique « il conto !, la cuenta è  spagnolo ».

Il aime le lac de Garde mais est déçu par le lac de Côme et n’apprécie par à sa juste valeur la canzoneta italienne diffusée à la télévision. En guise de dernier repas à l’aéroport s’offre un macdo pour cause d’overdose de pizzas.

Se rend encore au Hellfest et assiste encore au dernier concert de la nouvelle tournée d’adieux de Kiss. Est malade sous la tente le jour du passage de son groupe préféré. Mais garde un bon souvenir.

Sa compagne et lui, de plus en plus accros à la plongée, font deux stages qui leur permettent de passer le niveau d’après et, en vue du niveau d’après après (projeté en une destination lointaine) demandent un ordinateur de plongée. (Pour les nuls, un ordinateur de plongée ne nécessite ni clavier ni écran 15 pouces, mais se porte négligemment au poignet, plus pratique pour les déplacements subaquatiques).

Programme depuis longtemps une présence aux deux demi-finales de la coupe du monde de rugby et, enthousiasmé par le début de la compétition, en déniche même une in extremis pour le quart de finale France Afrique du Sud dont le résultat n’est pas celui escompté. Il assiste comme prévu mais pas convaincu aux demi-finales, dont l’une, à ses dires est « une purge ».

Après 7 ans d’habitation, un nombre incalculable de tentatives, deux hivers de télétravail à se geler, réussit enfin à refaire fonctionner le radiateur de la salle à manger de la rue des Dames (encore une histoire de purge).

Cette réussite tardive n’empêche pas le couple de désirer son propre nid douillet et de s’investir dans l’achat d’un appartement pantinois dûment mesuré en long en large et en travers et dans une lutte héroïque avec les banquiers qui ne comprennent ni pourquoi (ni surtout comment) ils pourraient les faire bénéficier d’un droit à prêt à un taux inférieur au taux actuel.

 

 

Retraite numéro 1

Tout en continuant à planifier avec brio les séjours de vacances du couple, garde constamment à l’esprit les dates des vacances scolaires (« tu te rends compte ils sont déjà en vacances », « tu te rends compte, ils vont bientôt rentrer »). Et en voyage ne perd pas une occasion d’analyser les mœurs scolaires locales, repérant du premier coup d’œil les cours de récréation (admirant particulièrement celles qui donnent directement sur la montagne ou la mer) et est attentive aux heures de début et de fin des cours dont elle évalue les avantages et inconvénients par rapport à celles pratiquées dans le reste du monde. Accepte à la demande d’une ex-collègue de reprendra du service comme accompagnateur d’une classe de mer en juin 2024 (si le centre ne met pas la clé sous la porte comme le précédent).

Tient un compte précis du nombre de séance de cinémas auxquelles elle a assisté dans l’année (175).

Reste un pilier de ses cours tri-hebdomadaires de gymnastique « senior ».

De retour de vacances, s’attaque à la planification de celles de l’année à venir avec l’aide de chat GPT à qui elle sous-traite avec succès le choix d’étapes intéressantes entre un point A et un point B.

 

 

Retraite numéro 2

Comme le généraliste traitant affirme que « à votre âge » (non mais sois poli, toi !) un risque majeur est une défaillance cardiaque et qu’il serait bon de se livrer à une activité plus « cardio », à choisir entre « marche rapide, danse de salon, paddle, padel, vélo en ville ou n’importe quoi, le principal est que ça vous plaise », et que la notion de plaisir est tout à fait antinomique avec  l’énumération proposée qui ressemble à une liste de punitions, on se dit que tant qu’à se faire suer, autant que ce soit devant une bonne (ou mauvaise) série. On choisit donc le vélo d’appartement à raison de vingt-cinq minutes par jour et une tablette posée sur le guidon.

Pour exercer l’esprit au moins autant que le cœur, on assiste à une conférence sur le thème « Quantique passons à l'action » au cours de laquelle on espère comprendre comment un bit informatique, objet pas fantaisiste pour deux sous s’il en fut, peut être avantageusement remplacé par un qubit qui a l’air de faire un peu ce qu’il veut, en particulier être dans une infinité d'états, qui sont autant de probabilités différentes d'obtenir |0> ou |1> (à ne pas confondre avec 0 ou 1). On apprend que les machines les plus puissantes sont capables de traiter jusqu’à huit qubits (sifflement d’admiration dans l’assistance), ce qui nous rappelle les paroles visionnaires de Bill Gates « un méga c’est bien assez pour tout le monde ». Précision : la machine quantique est intéressante dès que la difficulté du problème croit de manière exponentielle avec sa dimension telle l’inversion de matrices de dimension mille et plus. Qui a besoin d’inverser des matrices de dimension mille (à part peut-être quelques chercheurs en informatique quantique) ? Le tout reste mystérieux pour le profane, même quand certains confessent produire des qubits à partir de photons.

Comme preuve d’un bel exemple de résilience (rien que pour le côté hype du mot), on s’habitue et ne s’étonne plus de ne voir que des têtes chenues dans les lieux qu’on fréquente à l’heure ou le travailleur travaille.

 

 

Vaste monde cruel

On perd le C de CSNY David Crosby reconnu par tous comme mélodiste harmoniste, cocaïnomane, héroïnomane, diabétique, cardiaque, greffé du foie, tête de c… repentie (à ses dires) et fâché à mort avec (entre autres) le S, le N et le Y, et Kissinger : soutien de Pinochet, Colomb : soutien de Macron, Delors : soutien de la dé régularisation et Silvio Berlusconi : soutien de lui-même,

Toto Cutugno, chanteur italien pur jus de caffè ristretto et Shane McGowan, chanteur irlandais, pur Guinness né dans le Kent, Tina Turner, chanteuse américaine naturalisée suisse, Jane Birkin chanteuse britannique et Henri Tachan qui a la mauvaise idée de disparaitre le même jour qu’elle, Tony Bennett, chanteur américain sorti de l’oubli par Lady Gaga, Denny Laine guitariste des Wings de McCartney passé par les Moody blues, Sinéad O'Connor, chanteuse irlandaise perturbée,

Bobby Charlton dont on garde souvenir comme participant de la dernière compétition footballistique qui nous ait intéressé : la coupe du monde 1966, Mohamed Al-Fayed, qui s’est rêvé quelques mois beau-père de princesse,

David McCallum, ci devant Illya Kouriakine des agents très spéciaux (ce qui ne nous rajeunit pas), les jazzeux Carla Bley, Wayne Shorter, et Marcel Zanini,

Tyre Nichols, comme George Floyd et Dominique Bernard comme Samuel Paty.

 

Comme les temps ont, dit-on, changé, on entend à la radio rire et s’étonner qu’autrefois, les jolies colonies de vacances était censuré et que Jagger devait se contenter de passer « some time together », mais à la même radio la redif (pour les nuls le podcast) du « moment Meurice » du 19 novembre est absent, parce qu’il évoquait la politique et une particularité anatomique d’un dirigeant israélien. La direction de Radio France s’est immédiatement désolidarisée de Guillaume Meurice, obligé de se justifier, et même condamné par une dessinatrice de Charlie hebdo (on est content que Cavanna n’ait pas dû assister à cela).

La Cour de justice de la République reconnaît Dupont-Moretti non coupable, car si la prise illégale d’intérêts est bien constituée, l’intention de commettre le délit ne l’est pas, et s’il n’a pas bien agi, il n’en avait pas conscience. Le grand avocat, ministre de la Justice ne savait pas que la prise illégale d’intérêt était illégale (on peut pas comprendre tous les mots, non plus). On se rappelle avoir subi un retrait de quatre points pour un feu rouge qu’on n’avait même pas vu, peut-on faire jouer la cause du « je n’en avais pas conscience » ?

Même si on ne comprend ni pourquoi ni comment une loi plus dure peut être adoptée à peine une semaine après, on savoure l’instant où Gérald Darmanin voit votée la motion de rejet de « sa » loi sur l’immigration. Il présente sa démission qui est refusée… pour une fois qu’il avait une bonne idée.

 

 

Voyages

On commence par une infidélité à Val Cenis pour se rendre à Valloire où on est un peu surpris d’avoir tant de mal à trouver un bistro ouvert qui ne peut finalement pas nous servir pour cause de « vin chaud pas livré ».

On part au pays de la corrida et du flamenco. S’il est heureusement possible d’échapper aux premières, on n’évite pas complètement le deuxième qui se produit parfois dans les rues. On déguste sur la plage des sardines en brochette grillées au barbecue et on boit du salmorejo plutôt que du gaspacho.

On fait une excursion dans les villages blancs où le vent et la pluie glaçante donnent envie d’acheter en urgence un vêtement de pluie et un vêtement chaud. On trouve le premier et abandonne le deuxième trop souvent orné de taureaux qu’on s’apprête à massacrer.

On apprend que l’huile d’olive extra vierge n’est que de l’huile d’olive vierge que le producteur a jugée extra, et que l’emblème de la ville de Grenade est la grenade. Malgré des visites des deux sites, on continue au retour à confondre l’Alhambra avec l’Alcazar mais pas avec le centre Pompidou de Malaga, décoré par Buren.

 

Pour se déplacer en Islande, on a réservé un petit véhicule de type « golf » qui se transforme en « kia ceed » dans l’accusé de réception pour finir en « hyundai tucson » à l’arrivée sur place. « I’llgive you a hudge car », annonce fièrement la loueuse comme on donne une friandise à un enfant sage. On accepte l’engin dont la surévélation peut paraitre intéressante sur des routes dont on ignore encore l’état. On sera finalement jaloux chaque fois (et c’est souvent) qu’on croise un Jimni Suzuki qui donne un look furieusement baroudeur, alors que le gros SUV ne donne qu’un look de beauf en vacances.

Au vu des divers textes auxquels on est confronté, on note la présence de þ et de ð dont on essaie de comprendre la prononciation de façon complètement inutile puisqu’on ne sait prononcer ni les moins intrigants ó ou ú ni d’ailleurs toute autre lettre de l’alphabet et qu’on ne s’exprime qu’en anglais.

On envoie des vidéos en direct lave (il est demandé à chacun et surtout à qui il aurait échappé à l’époque de savourer cet excellent jeu de mots à tête reposée).

On va barboter dans les eaux très chaudes du blue lagoon en admirant les gardes locaux qui surveillent la piscine depuis des ponts, emmitouflés dans plusieurs couches de vêtements polaires. Ayant commandé la totale (option premium), on a droit à un verre de vin pétillant (ou jus détox) consommé dans l’eau et à un trio de boues, du noir au blanc via le gris dont on peut s’enduire successivement le visage pour le plus grand bien de nos peaux fatiguées. Il est demandé d’éviter d’enduire la barbe avec la dernière. Bien que la consigne n’ait pas pu être respectée, aucun effet secondaire n’est constaté à ce jour.

C’est tous les jours ou presque qu’on est confronté à des affiches ventant le lundi (dont on ignore la prononciation). On comprend assez vite qu’il s’agit de propositions pour aller contempler en bateau des colonies de macareux si nombreux dans l’île. Mais pas en cette saison, ils ont pris leur quartier d’hiver, c’est bête vous seriez venus la semaine dernière... On se console en allant contempler en bateau des baleines moins frileuses.

Pour lutter contre le coût de la vie, on achète un trio de fromages et un paquet de viande séchée qui, avec le Skyr quotidien, constituent l’ordinaire de déjeuners pris sur le siège arrière du gros SUV de beauf en vacances (ce qui n’aurait sans doute pas été possible dans un Jimni).

On ne manque cependant pas de déguster quelques spécialités locales dont le Hákarl, requin du Groenland faisandé, qui à l’aveugle ressemble à un munster qui n’aurait pas vu l’air libre depuis plusieurs mois, et le Floki sheep dung smoked qui à l’aveugle ressemble à n’importe quel whisky fumé. (Pour les nuls, les particularités physiologiques du requin du Groenland avec sa chair fraîche saturée d'acide urique, et la signification de « sheep dung » sont accessibles via votre moteur de recherche préféré).

 

Arrivée à Newark, où la police des taxis veille à la probité des chauffeurs en remettant au client un document dûment paraphé qui fixe le prix de la course. En regardant bien, on peut lire a posteriori que ne sont inclus ni le passage du Lincoln tunnel (qu’empruntait Tony Soprano), ni les divers tolls, taxes (contre la congestion du trafic) et tips (facultatifs bien sûr) qui doublent le prix annoncé. Bienvenue aux states, on est tout de suite dans le bain.

Au Moma, on profite que les Japonaises s’occupent à prendre des selfies devant la nuit étoilée, ou faire des effets de jambe pour être la sixième danseuse de la danse de Matisse, pour admirer les demoiselles d’Avignon.

Le breakfast étant inclus à l’hôtel, on ne va chez Tiffany’s que pour ses bijoux (pour les nuls, voir le titre original de diamants sur canapé).  Comme, contrairement à la clientèle habituelle de l’endroit, le prix reste un critère de choix alors que pour éviter toute vulgarité il n’est affiché sur aucun des articles exposés, on passe beaucoup de temps à le demander au vendeur, muni d’un smartphone et d’une appli hautement sécurisée qui peut convertir le qr code de l’étiquette en dollars sonnants et trébuchants, mais hors taxe. Après l’achat plus ou moins raisonnable d’une alliance, on va déguster un pastrami dans un bouge pittoresque de la 37ème rue où l’on regrette juste d’être les seuls clients.

Tradition oblige, on mange dans la rue un hot dog et un bretzel facturés dix-huit dollars, car si, comme chez Tiffany, le prix n’est pas affiché, on a l’impression après coup qu’il est ici plus improvisé en fonction de la tête du touriste distrait que d’une appli sécurisée. Cette année sera sans Lennon ni Mccartney : le strawberry field de central park est jugé trop loin pour une promenade dans le temps imparti, et Stella a déménagé sa boutique. Ce sera aussi sans cronut, la prétendue pâtisserie à la mode qu’on ne trouvera nulle part.

Côté spectacle, au Village Vanguard, Kenny Barron commence par une « unusual request » en demandant à la régie de baisser le son de son piano, il est accompagné entre autres par un batteur qui pèse un bon quintal et en fait des tonnes pour le grand plaisir du public. Etonnamment, la flûte enchantée de Mozart au Metropolitan Opera est bien plus drôle que Harry Potter and the Cursed Child à Broadway.

Au magasin M&M's World de Times Square, la production en grand volume de pastilles chocolatées d’un centimètre de diamètre portant sur la face où ne figure pas le « M » de la marque une inscription choisie par le client nous paraît un aboutissement technique bien plus mystérieux que la production de qubits à partir de photons. (Pour les nuls, tu saisis ton message sur une borne, tu remplis une tasse en choisissant les couleurs de tes M&M vierges, tu raques -en ajoutant le prix des taxes que tu avais oubliées au départ mais pas eux, y a pas de danger- , tu verses les M&M dans une grand bac, et en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire ça ressort à l’autre bout avec le message écrit du bon côté, pile-poil au centre de chaque pastille !). Schrödinger peut bien aller se rhabiller avec son chat et on leur en achète deux boîtes.

On découvre « the Edge », nouveau gratte-ciel du nouveau quartier de Husdson Yards, doté d’une plate-forme en surplomb avec partie en verre qui laisse voir les 335 mètres de vide en-dessous. Le jeu est de marcher dessus, en évitant d’écraser les influenceuses to be (or not not to be) qui se selfitent à qui mieux mieux, allongées par terre, cuisses en l’air, et lèvres humides.

 

 

Musique et autres distractions

Pendant que l’une part dans les Vosges via Chalon-sur-Saône pour faire du pédalo avec sœur et neveu, l’un se déplace jusqu’à Lyon où se produit un Bob Dylan toujours un peu chancelant dans les rares moments où il se montre debout dans la lumière ou se fend d’un « merci mes amis » en français. Pour amortir le voyage, alors qu’il joue deux jours de suite, on décide d’assister aux deux spectacles. Pas de rappel, comme d’habitude, le public de connaisseurs se lève et s’en va dès que résonnent les dernières notes de every grain of sand. On est juste un peu déçu que la set-list soit rigoureusement la même alors qu’on sait qu’il choisit une des chansons dans un panel de trois reprises. La déception deviendra jalousie quand on apprendra qu’à Rome, dix jours plus tard, pour son dernier spectacle européen, il enchaînera les trois chansons.

L’un va (avec enfant numéro 1 qui -à la suite d’une erreur d’agenda- remplace l’une toujours dans les Vosges) à Bercy écouter Polnareff. Quand la scène s’éclaire, il est déjà à son piano qui lui servira de prétexte à rester assis, les mains appuyées un peu partout sauf sur le clavier dont il tire dix accords au plus dans la soirée. La voix est intacte ou presque, mais lors de son retour en scène pour le rappel dont il s’acquitte volontiers (lui !), il arrive soutenu par deux assistants qui lui donnent le bras.

Renaud aux folies bergère serait-il en train de faire le spectacle ou même la tournée de trop ? Ce n’est certainement pas l’avis de la voisine qui le suit régulièrement dans toute la France et compatit d’un air désolé « Je comprends que pour vous ça soit douloureux ». Oui, c’est douloureux, on s’attendait au pire mais il doit exister pire que le pire. La voisine ajoute « en général, son meilleur concert, c’est le deuxième de la semaine ». On n’ose demander le quantième de ce qu’on vient de subir. La voix est inexistante ou presque, il marche tout seul mais pas bien loin. On retrouve un peu d’entrain quand il fait chanter la salle (globalement c’est mieux quand c’est la salle qui chante) déjà conquise (à un ou deux près) avec 500 connards sur la ligne de départ ne serait-ce que pour le texte.

On donne à Polnareff la médaille handicap physique, à Renaud celle du handicap vocal et à Dylan celle du meilleur concert de l’année (en toute objectivité).

On assiste à la soutenance de thèse du neveu italien d’une amie italienne. A l’intitulé (Role of the mTOR-downstream effector S6K1 in Tuberous Sclerosis Complex neurological manifestations), on comprend qu’il va falloir s’accrocher, d’autant que la présentation -comme le mémoire- se fait en anglais devant un auditoire cosmopolite. Elle aurait pu se faire en français ou en islandais, cela n’aurait pas changé grand-chose (sauf peut-être pour une infirmière diplômée). Lors de la longue, très longue série de questions du jury (heureusement une des membres, intervenant en visio direct du Canada doit nous quitter dans l’obligation qu’elle est de libérer sa chambre d’hôtel) le futur docteur pas intimidé, accoudé négligemment sur le bord de son pupitre, commence toutes ses réponses par « that’s a good point ». La dégustation qui suit, de focaccia, pizza, et bruschetta est un autre bon point.

 

 

Travaux et aménagements

En fin d’année, on reçoit un « guide du tri et calendrier de collecte » de 24 pages (y compris les pages spéciales « quand, où et comment se débarrasser du sapin de Noël » mais pas les nouvelles règles d’enlèvement des encombrants) dont la couverture montre un trognon de pomme visiblement enthousiaste à l’idée d’aller vider la poubelle qu’il porte (personnellement nous aurions mis le trognon dans la poubelle plutôt que de la lui confier).

Le guide annonce pour la rentrée la perception par tous les pavillons malakoffiots d’une nouvelle poubelle à couvercle marron qui portera à quatre la flotte de poubelles pavillonnaires. Il explique que rien ne change sauf qu’il faudra mettre l’alimentaire dans la poubelle marron (avec une tolérance pour les essuie-tout), les recyclables dans la jaune, le végétal dans la verte à grand couvercle et le reste dans la verte à petit couvercle.

Et tu fais quoi avec les restes de salade ? (Même chat GPT sollicité sur ce point précis se dérobe en ces mots « En général, les restes de salade vont dans la poubelle à déchets organiques ou compostables. La couleur de cette poubelle peut varier d'une région à l'autre, mais elle est souvent de couleur verte ou marron ». Comme on compte le solliciter pour d’autres voyages, on n’ose lui rétorquer que les « en général » et les « souvent », c’est bien joli, mais j’en fais quoi de mon végétal alimentaire à Malakoff ?). A lire le calendrier de collecte on comprend que la nouvelle règle sera « pas un jour sans une poubelle à sortir ».

Le scooter commandé, semble toujours se trouver dans une multitude d’états superposés entre Nantes, Amsterdam et la Chine qu’il a probablement quittée, mais faut voir. On l’imagine coincé en douane dans un container partagé avec quelques kilos de coke (à force de pédaler, on regarde trop de séries). Comme le commerçant nous assure lui-même que « vous êtes bien patients », on se décide à changer de modèle d’autant plus volontiers qu’on ne se rappelle plus vraiment à quoi ressemble celui qu’on a commandé et que le nouveau est promis pour la semaine à venir. Au risque de terminer l’histoire un peu brutalement, c’est, comme promis, la semaine suivante qu’il arrive. Par sécurité, il est équipé de deux batteries qui pèsent un âne mort (chacune). On projette de façon à ne pas souffrir du syndrome d’asymétrie du joueur de tennis d’alterner le bras sortant l’âne de son coffre puis l’y ramenant après l’avoir nourri de son picotin à 220 volts. Pas de montre de bord, on en achète trois qui trop ou pas assez fixées au guidon finissent noyée un jour de pluie, écrasée rue Royale et frigorifiée à la première gelée.

 

Comme promis (encore !), l’insert de cheminée est livré début mars. Le livreur est un impressionnant gaillard de soixante kilos tout mouillé, tout en nerfs qui transbahute seul un bloc de fonte de deux fois son poids, le repose puis le resoulève parce qu’il a oublié le tuyau, casse son téléphone portable, puis celui de sa femme et se plaint d’avoir une hernie. Comme cela ne l’empêche pas de parler, on apprend petit à petit qu’il a deux fils, mais qu’il ne pouvait pas être là pour leur naissance, parce qu’il était en prison, parce que lors de la dernière course de voiture qu’il a faite sur l’autoroute, le véhicule concurrent se trouvait être conduite par des flics, et que depuis il s’est endetté pour remplacer le véhicule confisqué par un plus puissant parce que sinon, la vie n’est pas drôle.

Pour assurer l’évacuation de fumée via la cheminée, il monte sur le toit, tire sur le tuyau avec la délicatesse qu’on devine en s’appuyant sur le zinc qu’il manque de peu de traverser. Il s’autorise alors à nous faire remarquer que la solidité du toit laisse à désirer. On lui confie malheurs et fuites récurrents, en échange de quoi il donne l’adresse d’un couvreur sérieux de ses relations. Contacté, l’individu sérieux arrive dans la semaine et au vu des dégâts préconise de refaire la moitié de la moitié du toit (pour les nuls, le toit a deux moitiés : une haute et une basse – non habitable où l’on dort sans vraiment habiter), puis de proche en proche, l’autre moitié de la moitié, puis la deuxième moitié, montrant à chaque fois une solive plus humide et pourrissante que la précédente. Une fois sèches, ça fera toujours du bois pour nourrir l’insert. L’assurance contactée répond deux mois plus tard qu’elle va envoyer un expert, et que « ah bon, qu’est-ce que j’apprends vous avez fait les travaux, mais il ne fallait pas vous précipiter » et qu’en l’absence de photos prises par l’expert, les vôtres sont très jolies mais pas suffisamment expertes et nous sommes parfaitement désolés (air désolé parfaitement interprété au téléphone) mais bon voilà.

Au bout de cinq à six semaines, constatant que les grosses pluies n’ont malgré leur insistance pas réussi à traverser le nouveau toit, on recontacte l’assurance, devis en poche, pour faire réparer les « conséquences », c'est-à-dire les dégâts sous fenêtres de salle de bain et chambres (une habitable, une non-habitable). Après trois mois de suspense, et une dizaine d’échanges supplémentaires, l’assurance promet alors de missionner l’expert qui cette fois semble dû (mais oui Madame, c’est promis, c’est bien naturel, ne me remerciez pas).


Pour épargner à la planète la production inutile de quelques bouteilles en plastique, on décide d’acquérir une machine à gazéifier. On contourne l’incontournable Sodastream pour prendre un modèle de la marque Brita, préféré pour des raisons à la fois pécuniaires et esthétiques (pour les nuls, il est moins cher et plus joli). Oublions qu’il est impossible de se procurer des recharges Brita (sauf en téléphonant au constructeur qui de dépit nous en envoie deux gratuitement) et notons qu’on reçoit fin septembre un avis de sécurité indiquant que « Dans le cadre de la surveillance continue de ses produits, Brita a constaté que, dans certains cas, le connecteur en plastique situé au sommet du réceptacle de protection n’était pas en mesure de résister à la pression exercée par la rupture d’une bouteille en verre lors de la gazéification »  et que « jusqu’au remplacement du dispositif, seule la combinaison de la machine à eau pétillante et de la bouteille en acier inoxydable (incluse dans le kit de démarrage) doit être utilisée ». Suit une généreuse proposition de remboursement. Sans nouvelle du « remplacement du dispositif », on continue à utiliser la bouteille en verre conscient que si ça nous explose à la figure, il faudra pas venir se plaindre.

On achète aussi un moule à gaufres, pour lequel aucune faille de sécurité n’a été signalée à ce jour.

 

 

Projets et voyages

Avoir un vrai anniversaire, trouver les bons noms pour être de bons grands parents sans avoir l’air de vieux.

Voir des macareux : en Islande, on s’est laissé dire qu’il y en avait dans l’archipel bien français des sept îles.

 

 

Vaste monde cruel

Le samedi 6 janvier. Lors du départ de la première étape du Dakar, une voiture a percuté un spectateur russe. « Il a paniqué, il est parti en courant à droite, à gauche, il a été tapé sur une jambe. Il avait une fracture ouverte, on a dû l’évacuer. Il avait déjà été sorti deux fois. Il n’avait rien à faire là ». En clair, tant pis pour lui, et en plus il est russe. Le dimanche 7 janvier, on apprend que l’Espagnol Carlos Falcon a été placé dans un coma artificiel après sa grave chute lors de la deuxième étape et que « Le pronostic vital reste engagé mais stable ». Il meurt une semaine après.

Le 8 janvier, on écoute France info qui annonce en direct la démission d’Élisabeth Borne, que « notre reporter sur le terrain, en direct de l’Elysée » a apprise, en direct sur son mobile vie Tweeter. C’est la période des grands froids (température -1, ressenti -6) et les journalistes qui comparent la démission de Borne à celle de Philippe en juillet semblent sous-entendre « Ça se fait pas de flanquer une vieille dame à la porte par un temps pareil ». Elle est remplacée par un petit jeune moins sensible aux frimas et chargé du réarmement civique, (c’est quoi le réarmement civique ? des milices privées armées ?) ; il nomme une ministre de l’éducation nationale qui déblatère sur l’éducation nationale et une ministre de la culture qui ne rêve que d’être maire de Paris.

On perd Franz Beckenbauer dont on garde souvenir comme participant de la dernière compétition footballistique qui nous ait intéressé : la coupe du monde 1966.

 

Travaux et aménagements

C’est le premier janvier que deviennent inexorablement applicables les nouvelles règles de collecte des déchets. Il semble que d’autres n’aient pas mieux compris l’algorithme spatio-temporel de dépôt ni en termes de contenu ni en termes de calendrier et on peut quotidiennement contempler au bout du sentier un camaïeu de couvercles de couleurs qui n’est jamais tout à fait le même ni tout à fait un autre mais tourne autour du kaki et n’égaie que très modérément la grisaille hivernale malakoffiote. Entre ceux qui s’en fichent et ceux qui n’y captent rien (car on sent bien que s’il est difficile pour l’avenir de la planète de s’en fiche, il l’est peut-être plus encore d’y capter quelque chose), sans aller jusqu’à une interprétation quantique de l’arrangement, on peut le qualifier de pseudo-aléatoire.

La municipalité n’est pas sensible à la diversité de la palette comme le montre cet avis sans frais collé sur une poubelle contrevenante « un agent du territoire Vallée Sud Grand Paris est passé le 8/1/2024 à 8heures18, il a constaté 1° Déchets Une non-conformité des déchets présentés à la collecte 2° Ordures non-respect des jours / horaires de présentation de vos déchets ». Depuis, l’auteur de l’infraction (qu’on peut comprendre) a préféré abandonner sa poubelle en l’état plutôt que de venir la chercher et s’exposer à la vindicte populaire. Et s’il nous est cruel de critiquer la gestion d’une administration communiste, on doit bien reconnaître que le petit côté « commissaire du peuple » du relevé d’infraction n’es pas pour nous rassurer (« ben, on va la mettre où la salade ? »).

On a, comme promis (décidément !), des nouvelles de l'expert missionné par l'assurance qui demande qu’on lui fasse parvenir une attestation d'assurance.

 

Parent numéro 1 : Hélène. Bisous et bonne année.

 

Parent numéro 2 : Didier. Bisous et bonne santé.