Chats numéros 8 et 9
Leur voracité semble croître et embellir avec l’âge. Pour défendre nos biens, et même notre espace (en particulier la table du repas sur laquelle un regrettable laxisme les a laissé s’habituer à monter), on les éloigne d’un coup de pistolet généreusement offert par Sosh (qui rassurons les amis des bêtes n’offre que des ventilateurs alimentés par la batterie du téléphone et des pistolets jaunes à eau). Puis envahi par un sentiment de culpabilité provoqué par leur mine pitoyable, on leur donne à dévorer le reste de l’assiette (quitte à se priver de quelques tranches « t’avais quand même pas envie de finir le foie gras ? t’as vu tout ce que t’as mangé ? ») faisant preuve d’une incompréhensible incohérence qui ne trouble pas du tout les chats mais un peu les maîtres (surtout celui qui aurait bien repris un peu de foie gras).
Chat numéro 8
Comme il ne faut rien laisser traîner et qu’on laisse traîner une galette, on se retrouve en pleine épiphanie avec un roi inattendu car, comme on se l’exclame, « en plus il a eu la fève ce c… ».
Chat numéro 9
Découvre le mécanisme de la poubelle dans laquelle traînent souvent quelques sachets de « Félix tendre effilé » (en gelée) qui nous paraissent vides et peu ragoûtants mais d’où il tire encore suffisamment de substance pour avoir envie de les extraire, les mâchouiller à belles dents et les répandre dans toute la pièce.
Enfants numéros 1 et 2
On apprend par les médias que les relations entre Harry et William ne sont plus au beau fixe, et même que l’un des deux rejetons royaux choisit l’éloignement outre-Atlantique.
Il en est de même dans certaines familles roturières où la rupture est enfin consommée rue des Dames.
Enfant numéro 1
Quitte donc un espace réputé invivable pour aller vivre explicitement loin de la rue des Dames et de Malakoff, à Montreuil dont peu d’informations transparaissent pendant un temps de réflexion dont le point d’orgue est une confrontation victorieuse avec le long parcours vélocipédique du trajet Bordeaux-Sète avec son compagnon.
Enfant numéro 2
Retourne à Val Cenis sur les traces du livre d’or et de la nappe qu’il ne retrouve pas, mais s’essaie à la grôle.
Fête ses 30 ans avec quelques amies d’enfance et parents parmi lesquels on retrouve l’architecte qu’on n’était pas loin de pardonner.
En Croatie, se promène sur les lieux mythiques que Game of Thrones a fait entrer dans la légende.
Garde domicile rue des Dames, avec sa compagne (et l’armoire normande dont elle n’était pourtant pas la plus grande fan), s’attelle à quelques tâches de rénovation de pièces qui trempaient encore dans le jus du siècle dernier. Exhibe fièrement aux parents bluffés une résistance de machine à laver dont l’entartrage est digne d’une pub pour calgon et qu’il assure avoir changée lui-même.
La science ou l’art du bricolage semble avoir sauté une génération.
Boulot numéro 1
Quand on veut faire étudier une chanson de Brassens, et que la classe s’inquiète de savoir combien il a de followers, le premier réflexe étant de prendre un air affligé par l’ignorance crasse de cette génération asservie aux réseaux sociaux, on s’apprête à répondre que non, voyons, il est mort ah ah ah, mais on va quand même vérifier pour constater encore plus affligé que le tonton Georges a bien son site facebook (et sans doute twitter et instagram). Alors, combien de followers, maîtresse ?
Par souci de reprendre les choses en main, on prend l’habitude de marquer officiellement l’heure de début de la récréation par le « il n’y a qu’une cloche ici : c’est moi ».
Une fois le fameux grade « hors classe » atteint, il faut expliquer au reste de la famille perplexe qui croit que le hors classe échappe au classement qu’il existe des niveaux hors classe, soit l’échelon 4 et les suivants (et où sont les 1, le 2, le 3 ?).
Boulot numéro 2
La retraite continuant à s’approcher, on reprend contact avec les autorités supposées compétentes pour savoir si le rapprochement des cochons est en bonne voie, et connaître enfin le nombre de points argic (premier cochon) et arco (deuxième cochon) fusionnés ou pas dont on dispose ou disposera quand viendra l’heure qu’on ne sait fixer justement parce qu’on ne sait pas.
En l’absence de toute réponse nouvelle (c'est-à-dire le sempiternel, « cela va prendre un certain temps, nous avons beaucoup de demandes, et au fait, vous voulez partir quand ? »), on choisit de répondre à l’enquête de satisfaction qu’envoie le prestataire en des termes peu amènes dont on se dit qu’ils auront au moins un effet défouloir. Ils ont étonnamment un effet moins attendu : celui d’accélérer le processus de mise à jour et même de provoquer un rappel téléphonique de la caisse (plus exactement d’une de ses représentantes).
Comme on a du mal à manifester un enthousiasme à la mesure de l’événement, l’interlocutrice, fort aimable au demeurant, insiste sur le fait que la réponse et la mise à jour du dossier (qu’un esprit mal informé pourrait voir comme un copier/coller dans une feuille excel, ou à l’extrême d’une recopie d’une feuille d’un classeur excel dans une autre, et des fois c’est dur parce que si tu coches pas « conserver la source », tu perds presque tout), la mise à jour, donc constitue un exploit technique réalisé dans un délai particulièrement court parce que vous avez insisté sur le degré d’urgence de votre demande et avez bénéficié d’un passe-droit en quelque sorte. Un peu confus, mais pas trop, on se fend d’un remerciement à la dame, en quelque sorte, tout en se rappelant que c'qui prouve qu'en protestant quand il est encor' temps, on peut finir par obtenir des ménagements (merci Boris).
Le 19 décembre 2016, Christine Lagarde est condamnée pour négligence mais dispensée de peine, ce qu’on peut traduire par « ma petite fille, c’est pas bien tu devais surveiller la maison, tu as laissé le coffre-fort ouvert et le monsieur est parti avec les bijoux de tata Marianne (pour les nuls, tata Marianne est une allégorie représentant la France, telle qu’on la voit parfois sur les pièces de monnaie en euros, à condition qu’elles soient frappées -justement- en France, mais attention, si elle a une moustache, c’est plutôt de Gaulle ou un air profondément absorbé plutôt Mitterrand, ou une couronne sur la tête la reine Elisabeth, qui rappelons-le a de moins en moins à voir avec l’Europe et l’euro et le monsieur, c’est Bernard Tapie qui à ce jour ne figure sur aucune pièce, mais on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve), c’est un tout petit peu contrariant, il y en avait pour 450 millions d’euros bon, mais c’est pas grave et comme tu as de bonnes notes en anglais, et que tu as été gentille de remplacer l’autre monsieur à la sève un peu chaude qui par négligence a fait des tâches sur la moquette du Sofitel, on oublie et tu reviendras dans un an ou deux surveiller les sous de tata Marianne et de ses voisines ».
S’il y a eu négligence, on pourrait croire qu’il y a eu faute, et puis non.
Cette année, est déclarée une relaxe des mis en examen de « l’affaire » et un autre monsieur, qui, peut-être un peu obligé, et peut-être pas, a mis le doigt entre l’arbre Sarkozy et l’écorce Tapie, s’en sort bien sans se faire taper sur le doigt à peine décoincé et reçoit des messages émus de ses collègues les plus zélés qui le congratulent à coup de « like » sur le site interne de l’entreprise.
C’est parce que ce dernier monsieur est Stéphane Richard, PDG de l’opérateur historique que cette belle histoire de gens qui savent se pardonner entre eux figure dans la rubrique « boulot ».
Voyages
A pâques, à Cannes, quelques jours avant le festival, on parcourt la croisette de long en large, et les marches du bunker sans tapis rouge de haut en bas. Pour voir la mer un peu plus loin, on loue un véhicule qui se trouve être la petite Fiat 500 attendue depuis que la Sicile nous l’avait refusée.
On peut alors virer jusqu’à Saint-Tropez pour manger une tropézienne chez Senequier et chez Belarbi pour en chausser, à Antibes le jour de fermeture du musée Picasso, pas à Saint-Paul-de-Vence qu’on n’atteindra jamais pour cause de bouchons, mais à Menton, où l’on achète moutarde et confiture car à Menton tout est bon dans le citron.
Après une expérience malheureuse à la terrasse d’un bouge de la plage, on court se réfugier au Carlton pour siroter un whisky et une margarita à l’abri du vacarme disco qui sévit à l’extérieur.
En prévision d’un anniversaire proche, on finit le séjour chez Hermès-croisette pour un petit carré.
En consultant l’histoire du festival on apprend que pour ne pas vexer l’Allemagne fédérale nuit et brouillard d’Alain Resnais a été censuré à sa sortie. Chaque époque a ses amalgames.
Un peu fatigué par l’insistance des chats à quémander leur nourriture, on décline l’offre du voyagiste qui propose une escale dans l’île de Okunoshima où habitent de si charmants lapins affectueux qui viennent manger dans la main du touriste.
On accepte le reste de ses propositions pour parcourir le pays du Tamagoshi, de Nikon, du Sepuku et du soleil levant. C’est aussi le pays où tout doit bien se passer, se passer selon le plan établi par les règles y compris la règle qui établit la conduite à tenir si tout ne se passe pas comme prévu.
Mais tout se passe comme prévu, le train de 12h47 part à 12h47, parce qu’il devait arriver à 12h43 et qu’il est arrivé à 12h43, et si le touriste a un pass illimité qui ne lui donne pas droit au train de 12h47 parce qu’il n’est pas dans le forfait, le touriste doit se débrouiller pour prendre un autre train, ce à quoi les règles et us locales qui incluent la courtoisie l’aideront grandement.
Mais comme situation imprévisible n’est pas impossible, elle est immédiatement très complexe.
Un premier hôtel refuse de donner accès à la chambre réservée invoquant (comprend-on, à travers l’espèce de dictaphone dans lequel le réceptionniste a prononcé quelques mots nippons recrachés à l’autre bout sous forme de quelques mots d’anglais) qu’on n’aurait pas d’eau bouillante dans la chambre et que nous devons nous rendre à l’hôtel plus bas. Sans essayer d’argumenter sur le fait qu’on n’est pas là pour se faire cuire un œuf, on accepte (car aucune règle ne prévoit que nous le refusions) de se rendre à l’hôtel plus bas.
A l’hôtel plus bas, où l’on pénètre confiant en précisant qu’on est envoyé par l’hôtel plus haut, on comprend vite a) que le nouvel interlocuteur ne parle pas un mot d’anglais, b) que notre arrivée entre dans le domaine de l’imprévisible. Chaque question apporte une seule et même réponse « Just a moment » qu’on peut traduire « je ne comprends rien à ce que vous dites » ou « je ne peux pas perdre la face devant vous donc je vais m‘en tirer avec un grand sourire et me sauver vite fait pour trouver quelqu’un qui me permette de sortir de la position humiliante dans laquelle vous m’avez mis et d’ailleurs je vous déteste mais je ne le montrerai pas », accompagné d’un grand sourire.
La première personne appelée à la rescousse adopte le même genre de défense un peu épuisant, (une paire de grands duduches bien alignés qui secouent la tête), mais la situation s’arrange quand a) on trouve une interlocutrice anglophone, b) on entend que oui, l’hôtel avait été prévenu que deux touristes devaient se présenter pour avoir une chambre de remplacement, mais, non, ils ne savaient pas que c’était nous.
Pour y avoir séjourné une heure, on constate par la suite, en retirant précipitamment ses mains que la chambre qu’on croyait privée d’eau bouillante ne délivrait que de l’eau bouillante. On s’inquiètera (à tort) que les bagages qu’on souhaite faire expédier à une étape prochaine pour alléger le déplacement soit confiées à duduche1, auprès de qui on a dû insister pour qu’il consente à noter l’adresse d’arrivée.
De la bouche des guides français, on a l’assurance que le Japonais est toujours discret et respectueux, avec comme corollaire que si on tombe sur un Japonais bruyant ou impoli, il ne peut s’agir que d’un Chinois. Les voyages forment à tout âge et permettent de revenir sur ses a priori passés (pour les remplacer par d’autres tout neufs) : on se dit rétrospectivement que les belles Japonaises alanguies qui se selfisaient à qui mieux mieux sur le monument du 11 septembre étaient peut-être de vilaines Chinoises mal éduquées.
Le Japon est aussi le pays des Torii (qui selon certaines interprétations représenteraient le sexe féminin). Quoi qu’il en soit, pour franchir le Torii, il importe de se purifier d’une façon très simple en lavant la main gauche avec la droite, puis la droite avec la gauche, et la bouche avec la gauche puis re-la gauche qui a touché la bouche le tout à l’aide d’une petite louche qu’on ne manque pas de purifier elle-même à la fin par respect pour le suivant qui se lavera la main gauche avec une louche propre en se disant que comme c’est une règle il n’est ni prévu ni prévisible que cela n’ait pas été fait. Contrairement à celle utilisée dans d’autres religions plus européennes, c’est de la flotte de base qui sert, mais c’est quand même mieux si elle coule de la bouche d’un dragon.
A Fushimi Inari Taisha au sud de Kyoto, les Torii, vont par 10000, pour un dénivelé de 300 mètres. On s’y lance, rassuré qu’il ne soit nécessaire de se purifier à chaque fois. On arrive en haut exténué et fier, et bien récompensé par le droit de redescendre car la vue au sommet est absolument sans intérêt.
A Hiroshima, on apprend la belle histoire de Sadako Chizuko, malade suite au bombardement et à qui sa meilleure amie a raconté une ancienne légende japonaise : selon celle-ci, quiconque confectionne mille grues en origami voit un vœu exaucé. Elle fit le vœu de guérir et, -comme c’est une histoire belle mais c’est aussi une histoire triste- ne guérit pas. Depuis, la grue en origami symbolise le désir de paix et se trouve représentée souvent à Hiroshima et ailleurs au Japon. C’est aussi une histoire d’espoir.
De la campagne à la ville, d’Hakone aux nombreuses tours élevées de Tokyo, de partout, on aura cherché le mont Fuji pour ne voir qu’une brume lointaine et moqueuse. On pense qu’il est de la même veine que le monstre du Loch Ness, une invention pour touriste qui aura aidé une marque à se faire une petite réputation dans les films et les appareils photo et contribué à la gloire d’un certain Hokusai et de ses « 36 vues du mont Fuji » (et d’ailleurs un lieu dont les 36 vues se révèlent être 46 n’inspire-t-il pas d’emblée la méfiance ?). D’Hokusaï, on visite le musée, infime collection de son œuvre immense. S’intéressant à sa vie, et au reste de son œuvre qu’il ne serait pas séant d’exposer dans un musée public, on découvre qu’il avait la sève aussi chaude qu’un prédécesseur de Christine Lagarde et n’était pas en reste sur la production de shunga (pour les nuls, on peut admirer le rêve de la femme du pêcheur après avoir couché les enfants).
On s’essaie au kimono (qui bien sûr ne s’appelle pas kimono, ce serait trop simple puisqu’il y a un mot pour le kimono d’été et un pour le kimono d’hiver), mais on s’y essaie quand même. Fier de soi et à deux doigts de franchir la porte pour une promenade dans « la ville des bains », on se fait rattraper par l’hôtesse qui débite dans sa langue natale une interminable litanie dont on ne comprend évidemment pas un mot mais dont le sens général est « Mais ma pauvre, tu t’es pas vue, c’est-y pas dieu possible d’être aussi mal fagotée, tu vas pas aller dans la rue comme ça, si en plus on te voit sortir de chez moi, de quoi j’aurai l’air avec les copines elles vont se fiche de moi, allez viens par ici que je t’arrange ». Malgré un « arrangement » rapide, nerveux et efficace, on décide finalement d’affronter « la ville des bains » dans une tenue plus européenne.
Le principe des bains publics est relativement simple : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, on se déshabille au vestiaire, on se lave assis et tout nu à un lavabo, on reste une minute dans la piscine commune d’eau bouillante, on se lave assis et tout nu à un lavabo (on peut changer, ça varie les plaisirs), on se rhabille.
Côté hommes, on peut utiliser une petite serviette qu’on dispose successivement sur le enfin sur la, pour le, enfin la cacher aux yeux des étrangers, puis humectée d’eau froide sur la tête, pliée en quatre (la serviette) pour se rafraichir tandis qu’on trempe dans la piscine. On ne le fera pas parce qu’on ne connaît pas la méthode qu’on pourrait juger peu hygiénique malgré force lavages avant et après, et qu’on n’a, de toute façon, pas de petite serviette. Côté femmes la tradition de la serviette semble inconnue.
A Tokyo, après le très select bar de l’hôtel Hyatt rendu célèbre par Scarlett Johansson (et un peu réciproquement quand même), on va aussi traîner dans le quartier des bars lilliputiens du Golden Gai. L’étranger plus ou moins hardi et tenté de pénétrer dans ces endroits qui offrent une petite dizaine de places se voit diversement accueilli selon l’humeur du très expressif barman qui peut aller du doigt d’honneur (avec grimace) au « come in, welcome » quand en plus il parle anglais. On choisit la 2ème option pour siroter une liqueur et un whisky (japonais) pour le plaisir.
A Jersey, on découvre une île que les Britanniques trouvent particulièrement française et que l’on trouve complétement british. Une des particularités de l’endroit est d’avoir subi l’occupation allemande. Churchill en 44, lors du débarquement en France a décidé qu’il avait autre chose à faire que perdre quelques hommes sur l’île et que le plus simple était de laisser tout le monde crever de faim. Comme il a déclaré en 45 que « our dear Channel Islands are also to be freed today », il a quand même droit à sa statue.
Sur la plage de La Rocque, on ne résiste pas au plaisir de savourer un fish and chips à la cabane du Hard Rocque Café.
En 1975, à la sortie de Tonight’s the night de Neil Young, l’excellent rock & folk écrivait quelque chose comme « même au plus bas de Berlin, Lou Reed n’exprimait pas autant de noirceur », signifiant évidemment que Young avait réussi à faire plus triste et déprimant que le Berlin de Reed. Sans mélanger l’œuvre et la ville, on peut témoigner que Berlin à Noël ne présente pas le caractère d’exubérance qu’on lui prête parfois. Les animations les plus notables restent les marchés de Noël où les gens vont acheter leurs dernières décorations ou déguster un currywurst et les trottoirs ou traînent des joueurs de bonneteau et leurs complices à qui ils distribuent généreusement des billets de cinquante euros.
Plusieurs musées de Berlin savent dénoncer les horreurs du nazisme ; cette Allemagne réunifiée est sortie des amalgames.
« Jetzt Wächst Zusammen Was Zusammengehört » aurait dit Willy Brandt, si on en croit une plaque posée à l’entrée d’une galerie marchande. On fait appel à quelques germanophones de nos amis, d’où il ressort que « Maintenant faisons pousser ensemble les choses qui vont ensemble » ou que « maintenant poussent ensemble les choses qui vont ensemble (ou un truc comme ça) » ou « Maintenant ce qui nous appartient à tous grandit ensemble ».
Malgré quelques divergences (ou des trucs comme ça), tous s’accordent à croire que le mot important est « ensemble », ce qui ne fera qu’augmenter notre surprise de nous retrouver bien seuls dans les rues en cette période de fête, même si dans la phrase de Brandt, on perçoit plus une fine allusion à la démolition du mur qu’à la dégustation d’un (délicieux) currywurst sur un marché de Noël.
Le soir du réveillon, à la recherche d’un bavarois ouvert (car depuis quelques jours on se régale de serveurs en culotte de peau et de belles cuisses qui ne sont pas de grenouille), on se rend à l’évidence : un indien ouvert du côté du Bundestag qu’on réserve « en ligne » sur son téléphone. Fébrile et le ventre vide, on attend le mail de confirmation qui finit par arriver.
Sur le chemin on se réfugie au seul bar ouvert pour siroter un whisky et une margarita à l’abri du rien qui sévit à l’extérieur. Après un bon repas on rentre contempler la forêt de sapins miniatures achetés au marché de Noël mais au pied desquels aucun cadeau ne semble vouloir tomber avant le lendemain. Il y aura un petit carré acheté au Hermès-Ku’damm (pour les nuls le Ku’damm est le Kurfürstendamm, qu’on ‘appelle Ku’damm comme un parisien dit le boul’mich -surtout un parisien proche de la retraite- et qui est supposé ressembler aux Champs-Elysées mais qui n’y ressemble pas ou alors un 16 mars après le passage des gilets jaunes).
Musique et autres distractions
Comme prévu, on va au palais des congrès voir Joan Baez qui s’y arrête pour une étape de sa supposée dernière tournée. Comme prévu c’est bien du palais des congrès de Strasbourg qu’il s’agit, et comme prévu on ramène du Gewurtz acheté au monoprix du coin (pas comme prévu).
Bob Dylan, au grand Rex, petite salle, donne un grand concert avec un don’t think twice it’s all right quasiment identique à la version du disque (ce qui dans son cas signifie qu’on reconnaît mélodie et rythme) et un blowing in the wind en valse.
Travaux et aménagements
Pendant les pluies du mois d’août, les approximations architecturales de la toiture en zinc se rappellent à notre souvenir. Après quelques heures passées à poser, surveiller et vider des seaux, on médite sur les valeurs de pardon et d’oubli qu’on n’est pas certain de maîtriser.
On admire, de connivence avec l’expert (car expert vint et, à force de se revoir, peut naître une certaine connivence, à manier avec prudence) l’esprit d’anticipation de l’architecte qui a imaginé une disposition des lieux telle que l’eau tombant de la couverture de zinc peut finir directement dans la chasse d’eau si on en ôte le couvercle. On pourrait aller jusqu’à se féliciter d’économiser quelques litres municipaux comme nous y invitent nos dirigeants récemment si soucieux d’écologie. On le reverra à l’anniversaire (l’architecte, sans l’expert).
Vaste monde cruel
Le 9 juillet, tombe le verdict du procès Tapie. Il en ressort une relaxe générale motivée par le fait que, faute de preuve, Bernard Tapie ne peut être déclaré escroc. Le fait même qu’il s’agisse de Bernard Tapie nous avait semblé être une preuve suffisante.
On passe cependant quelques bons moments avec les Balkany dont le numéro reste impeccable dans l’arrogance comme dans la débandade.
Harvey Weinstein apparaît poussant un déambulateur, améliorant notablement le numéro de béquilles mis au point par Augusto Pinochet au moment où il était question de lui reprocher quelques peccadilles.
Incendies 2019 Fouquet / (Sarko ?).
Parti de cartes, première manche
Le parti de la république en marche aura au moins réussi à mettre en marche beaucoup de parisiens et une vieille bicyclette malakoffiote qui somnolait dans un garage depuis quatre bons lustres.
Les retraites, avouons-le, malgré quelques conversations un peu agitées avec des spécialistes de notre cas précis à nous et quelques documents enfin peut-être à jour, on n’y comprend pas grand-chose au départ. Au risque de déplaire, la seule analyse convergeant avec la nôtre est celle d’un nommé Martinez dont beaucoup ne voient que les moustaches mais dont certaines répliques valent d’être entendues « La retraite c’est pas compliqué, il y a deux choses qui intéressent les gens : c’est quand et combien ? ».
Tout au long de l’année, le gouvernement dépense une énergie folle à nous convaincre qu’il est bon en tout sauf à nous convaincre qu’il est bon (en science de la communication, d’où les plus jeunes de ces startupers gouvernementaux sont issus, ça s’appelle un déficit de communication).
C’est pourquoi, pour combler le déficit (de communication), tandis que le reste des intéressés perplexe de n’y rien comprendre pédale dans la semoule, le gouvernement sort sa carte maîtresse : la pédagogie et explique a) Cette réforme n'est pas une bataille. Je ne veux pas de rhétorique guerrière, je ne veux pas de rapport de force, et ça s’appelle le dialogue social. b) en fait ce qui ne vous plait pas, c'est l'âge pivot, retenez, comme ça c'est clair.
« Ah très bien s’exclame Laurent Berger dans un éclair d’intelligence qui rappelle celui d’Escartefigue comprenant enfin que Panisse coupe à cœur, merci de nous avoir expliqué ; je retiens, comme ça s’est clair ».
Il enchaîne brillamment : « Donc, c’est simple, on n’est pas d’accord avec l’âge pivot et vous avez intérêt à le retirer parce que sinon, ça se passera pas comme ça, Na ! »
« Je suis pour le coup pas d'accord avec ce que dit en l'espèce Laurent Berger », rétorque Sibeth Ndiaye, reine de la com, et du pléonasme.
Geoffroy Roux de Bézieux se lèche les babines, et ce n’est quand même pas notre faute si tous ces gens -même quand ils ne sont pas barons- ont des noms longs comme des trombones (merci Boris).
31
Après une série de visites quasi quotidiennes à une marque d’excellents magasins de pralines et chocolats du monde, l’année se termine à Malakoff, sans huître ni évanouissement mais avec des chocolats japonais.
Errare humanum est
Chats numéros 8, Chats numéros 9 et sans doute la nationalité des belles alanguies sur un monument au mort.
Activité culturelle
A Orsay, on va, en nocturne, visiter « Degas à l’Opéra », dont on découvre, perdu dans la foule de 21 heures, que ses danseuses plutôt trapues évoquent plus les prostituées de Lautrec que les canons de la beauté longiligne qu’on recherche et trouve chez les étoiles d’aujourd'hui.
Projets et voyages
L’Islande est temporairement mise entre parenthèses pour cause de présomption de trouitude. On re-programme des pays plus familiers avec la notion de « pub » comme l’Irlande (ça va faire deux ans) et l’Ecosse (ça va faire 35 ans) où on vérifiera si le monstre du Loch Ness est plus visible que le mont Fuji.
Vaste monde cruel
L’année précédente a bien confirmé que le Japon est le pays du fisc qui n’a pas l’air de rigoler beaucoup avec les fraudeurs, cependant Carlos Gohn se déclare innocent, puis se déclare « encore plus innocent » quand il découvre les charges, comme un sale gamin qui après avoir effrontément nié s’être rempli les poches de fraises tagada, se trouve soudain soulagé qu’on ne l’accuse que d’avoir volé des carambars.
Se pose en chevalier blanc face aux méchants jaunes ennemis de la démocratie et en profite pour rappeler la déconvenue qui fut la sienne quand il découvrit que la privatisation du château de Versailles organisée pour la
surboum d’anniversaire de son épouse n’était pas gratuite (on le comprend et on essaiera soi-même de s’en souvenir le moment venu pour éviter de commettre le même impair).
Malgré l’insistance des médias qui -comme leurs lecteurs- n’en ont rien à faire de ses souffrances passées mais veulent juste savoir s’il s’est oui ou non échappé dans une valise, pour protéger ses sources et contributeurs, il refuse de dévoiler quoi que ce soit tant que les enchères entre Netflix et Amazon ne seront pas terminées.
Il ne s’agit que de 15 millions (peut- être même de dollars) qui ne l’autorisent pas à jouer dans la même cour que les autres garnements cités plus haut. De mémoire, il en est de même pour les Balkany.
Le taux d’intérêt du livret A fait une chute de 0,25% en valeur absolue. Il n’est pas inutile de dire qu’il s’agit de 33% en taux de baisse du taux, et que la prochaine chute de 0,25% correspondra à 50% du taux restant avant de sombrer dans la nullité ou les profondeurs sombres des taux négatifs
Le ministre affirme qu’il n'aurait pas été prudent pour l'économie française que le taux du livret A restât à 0,75%. Tandis qu’en 2019 le cac40 a progressé de 25,3%, 3 interprétations s’offrent à nous : a) l’objectif de progression du cac (dans les milieux autorisés on dit cac tout court, cac40, ça fait ringard) était de 25,55%, il faut bien prendre quelque part les 0,25 qui manquent pour éviter qu’une telle mésaventure ne se reproduise. b) ces gauchistes ne comprendront jamais rien à l'économie. c) c'est le retour du grand foutage de gueule à une altitude qu'il avait rarement atteinte à ce jour.
On entend dire qu’à cause des grèves, la Sncf aurait perdu un milliard d’euros. Un calcul rapide montre que c’est tout juste un peu plus du double de la somme dérobée par Bernard Tapie.
Quant à la somme attribuée à l’augmentation des salaires de l’éducation nationale, elle serait de l’ordre de 1,1 Tapie.
Pour répondre par avance à toute remarque qui pourrait mentionner une obsession lancinante pour ce personnage, répondons que a) oui, c’est pas faux (mais justifiable à défaut d’être justiciable) et b) alors que longtemps, toute somme dépassant le million d’euros revêtait un aspect tout à fait abstrait, nous disposons maintenant d’un mètre étalon, basé sur cette escroquerie notoire.
Incendie 2020 Rotonde / (Macron ?) : on est privé de sa cantine, chaque époque a ses amalgames.
Histoires
En 2003, un petit garçon futé, enjoué et plein d’idées met une bonne ambiance dans une classe de C.P en inventant des fins amusantes aux histoires que raconte la maîtresse.
Les 7 janvier 2015 décès de Ahmed Merabet, Bernard Maris, Cabu, Charb, Elsa Caya, Franck Brinsolaro, Frédéric Boisseau, Honoré, Michel Renaud, Mustapha Ourrad, Tignous et Wolinski. Sans une pensée pour les brutes assassines qui nous les ont violemment enlevés, on pleure quelques inconnus et surtout les vieux gamins qu’on avait l’impression de connaître depuis toujours.
Au fil des ans, on apprend avec douleur que le petit garçon malade se retire dans un monde où la joie sera absente et où les idées ne seront plus les siennes.
Le 3 janvier 2020, Janusz Michalsky est mortellement touché par un coup de couteau dans le cœur. Comprenne qui pourra, non sans une pensée respectueuse pour la victime, on pleure surtout la triste fin de la dernière histoire du petit garçon que la maladie et la doctrine sanguinaire répandue par des crapules opportunistes ont transformé en brute assassine « neutralisée » sur un parking de l’Hay-les-Roses.
Partie de cartes, deuxième manche
Un beau matin, le premier ministre déclare, l’air de rien « au fait, le truc, là l’âge pivot, ben tiens justement, vous allez rire, on le retire, il est juste provisoirement remplacé par un âge d’équilibre ».
« Ah, très très bien ! » s’exclame Laurent Berger sans un éclair d’intelligence car il a déjà épuisé son quota (qui ne semble pas s’être renouvelé au changement d’année).
Geoffroy Roux de Bézieux se pourlèche les babines (pour les nuls, précisons que le pourléchage ajoute au simple léchage une dimension nouvelle de plaisir gourmand), ce qui confirme le vieil adage d’une présidence précédente qui affirme que pour les patrons, tout est bon dans le Macron.
Parent numéro 1 : Hélène. Bisous et bonne santé.
Parent numéro 2 : Didier. Bisous et bonne année.