Bievenue à Emma, arrivée en juin.
Chatte numéro 1
Quand surviennent les premiers signes
d’amaigrissement, on la croit d’abord victime de la concurrence sans pitié des
deux autres freluquets qui, profitant de sa cécité, ne lui laisseraient que les
miettes du festin quotidien qu’ils sont censés partager. Une observation
qualitative de la petite communauté féline montre qu’il n’en est rien :
les jeunes (chats) ont le respect des valeurs et s’effacent devant l’aïeule
quand elle vient à s’approcher de la gamelle. On va consulter la vétérinaire qui,
prompte à diagnostiquer un ictère avancé, ordonne un traitement qui pourra
réussir sous certaines conditions (un peu confuses à nos oreilles), et revenez
dans un mois pour faire un petit bilan, et surtout il est très important
qu’elle se nourrisse, ça nous fera 153,50.
On passe ainsi un bon mois à essayer diverses formes
de gâteries (alimentaires s’entend) pour chatte du troisième âge, administrée à
la pipette, à l’entonnoir, au biberon, spéciale chat du quatrième âge à
mobilité réduite, spéciale chat aveugle, blanc à tâches grises car le marketing
du chat sénile n’a rien à envier à celui de la ménagère de moins de cinquante
ans. Sans succès. A l’occasion d’un brunch aux sardines (miam), on la voit se
lécher les babines à la dégustation du gros filet presqu’entier qu’on a eu
l’idée de lui tendre ; on investit quelques dizaines de boîtes du précieux
animal. Mais c’est sans succès qu’on lui propose le lendemain le même plat. Le
mois écoulé, le rictus du vétérinaire avant même l’auscultation suivie d’une
pesée et d’un commentaire laconique « elle a perdu huit cents grammes,
dans son état, c’est préoccupant » nous avertissent d’une issue fatale.
Quelques derniers câlins et 148,35 euros plus tard (vous avez une préférence pour
l’incinération ?), resteront les boîtes de sardine.
Chats
numéros 8 et 9
On a l’impression que leur ressemblance va en
s’accentuant, certains visiteurs affirment péremptoirement que l’un est
beaucoup plus brun que l’autre, mais l’animal désigné peut varier selon la
saison, l’éclairage, voire l’heure de la journée et surtout l’interlocuteur, et
puis c’est comme en musique, si t’as pas l’oreille absolue, tu compares à quoi
quand il n’y en a qu’un, hein ?
On persiste donc à se baser sur la couleur du petit
ruban noué autour du collier (dont c’est la fonction première), avec tout
l’effort d’adaptation que cela implique chaque fois qu’un ruban perdu (comment
ils font ? j’avais fait trois nœuds ???) doit être remplacé par une
couleur approchante mais nécessairement différente. Les fabricants de chocolats
et de parfums pourraient quand même se mettre d’accord pour suivre leurs gammes
de couleur.
Comme on doit retourner chez la vétérinaire pour un
simple rappel de vaccin, la mise en cage qui précède le déplacement est
particulièrement épique et suivie d’un voyage très agité. On apprend à
l’occasion que l’hyperactivité est diagnostiquée chez le chat (malgré les
apparences, pas les nôtres) et que le prozac peut être indiqué dans certains
cas extrêmes. Quand c’est leur tour de passer sur la balance, on entend « ils
ont pris huit cents grammes, dans leur état, c’est
préoccupant ». Peu surpris que des chats toujours en quête de nourriture
soient menacés de surpoids, on essaie le premier conseil (145,29 avec la petite
réduction famille nombreuse) du régime surprotéiné « ligne weight
management ». Devant l’inefficacité du produit (et avant d’être
financièrement exsangue, car un rapide calcul montre que même si l’alimentation
préconisée pouvait provisoirement améliorer la santé du chat, à budget égal,
elle divise par dix son espérance de vie), on joue le va-tout des
recommandations de Maison-Alfort : la courgette. Tant que le légume est en
préparation dans une assiette, les deux félins se précipitent dessus pour en
arracher quelques tranches comme tout ce qui ne leur est pas destiné. Quand, le
lendemain, il est servi (comme recommandé) mélangé à de la viande hachée, c’est
l’ensemble qu’il faudra jeter sous le regard indifférent de chats 8 et 9 qui
jugent une telle pitance indigne de leur rang. On mange de la courgette pendant
une semaine. Le marketing du chat obèse n’a rien à envier à celui du chat
sénile, ni la courgette à la sardine.
Enfant numéro 1
De ministère en ministère, de service en service, de
recommandation en recommandation, de CDD en CDD, elle se retrouve finalement,
comme avant au MD (pour les
nuls rappelons une dernière fois qu’il s’agit du Ministère de la Défense, peut-être
devenu MA puisqu’on l’appelle maintenant Ministère des Armées) en CDD, à
Balard, pour une durée qu’on a peu de mal à suivre, mais qui reste prolongeable
tant qu’elle l’est en respectant certaines règles qui peuvent changer, mais qui
de toute façon dépendent avant tout d’un budget incertain mais encore stable
tant que notre startuper en chef n’a pas privatisé la défense, ou les armées.
Son
compagnon tout aussi contractuel (non, ce n’est pas lui qui vous a collé un P.V
la semaine dernière) subit un peu les mêmes incertitudes et ballotements et,
sautant au bon moment sur le bon déblocage de budget se trouve en CDD au MD (ou
MA) sur une mission tellement confidentielle en un lieu tellement classé
défense (ou armée) qu’on a peine à dire qu’il est en train de devenir un expert
Excel à Issy-les-Moulineaux, dans un bâtiment protégé par une entrée camouflée
en cabine téléphonique dont le passage secret s’ouvre dès qu’on compose le 06
de Brigitte Macron sur le clavier.
Ils
se trouvent donc en mission à Balard et Issy, ce qui est remarquablement
pratique depuis Malakoff, surtout si on fait abstraction du fait qu’ils n’y
habitent plus du tout.
Tout
cela ne les empêche pas de tomber dans le végétarisme à l’occasion entre autres
d’un de ces sympathiques reportages sur les abattoirs que sait si bien dispenser
périodiquement la télévision et de faire pousser des carottes et des radis sur un
balcon parisien. On relèvera (sans critiquer) une exception pour un rougail
saucisse créole, mais pas pour la dinde de Noël (sur laquelle on reviendra).
Ils
se cultivent par ailleurs à bon prix, car une fois les budgets débloqués, la défense
œuvre pour la culture du militaire et de ses satellites en finançant moult
places de théâtre.
Enfant numéro 2
Vit une période particulièrement faste quand les
offres d’emploi se mettent soudainement à pleuvoir. Il reçoit et refuse une proposition
pourtant insistante pour aller travailler au pays de Charline Vanhoenacker
(mais pas avec elle qui semblerait plutôt basée à Paris) et se retrouve
finalement chez PPD, sans rapport avec le présentateur des guignols du Canal
d’avant (pour les nuls, il faut comprendre à demi-mot que le « Canal
d’avant », est le Canal d’avant Bolloré, et s’il faut expliquer, ça n’a
pas le même charme), puisqu’il s’agit donc de l’entreprise Pharmaceutical
Product Development, (pour les nuls développement de produits pharmaceutiques,
bien qu’on eût pu s’attendre à un s à Product, mais pas à Pharmatical qui est
invariable). Par un heureux hasard, il est embauché (en CDI, si, ça
existe !) pour contribuer au développement de produits pharmaceutiques en
soutien des clients lors d’essais cliniques. L’antenne française de la société
(plus américaine, tu meurs) est sise à Ivry, ce qui pour les transports est
plus commode que la maison mère à Wilmington (Caroline du Nord), et même que
Liège ou Ostende. Les réunions (enfin, les meetings) étant pour la plupart en
anglais, on ne regrette pas d’avoir contribué à sa maîtrise de la langue,
fut-ce à coup de camping au Pays de Galles, de mobile home en Irlande ou de
pubs (encore enfumés) un peu partout.
Sa Dulcinée poursuit son internat à Paris et visite toujours
les arrondissements et banlieues proches ou pas de la capitale par le biais de
ses nombreux hôpitaux qui l’accueillent de jour comme de nuit pour une
formation toujours riche en gardes qu’on réserve aux nouveaux arrivants, jeunes
et sans enfants.
Malgré cela, il trouve bien des occasions de
retourner à Lyon où l’attend (sans impatience) son permis de conduire qu’il
finit par décrocher au bout, semble-t-il d’un nombre de tentatives strictement
égal à celui de son père (et que rigoureusement ma mère m’a défendu d’nommer
ici). On se croit au bout de ses peines quand on apprend que l’obtention du document
final est conditionnée par a) la réussite à un examen composé d’une partie
théorique (un Qcm de 40 questions où il s’agit de savoir si sa ceinture est
bouclée, sans regarder la ceinture et quel est le poids maximum de T.N.T
transportable par un véhicule de tourisme sur chemin vicinal, une route ou une
autoroute avec un maximum de 5 fautes) et d’une partie pratique (conduite en
ville, et sur route avec plusieurs notes et une notion de faute éliminatoire),
et b) (Surprise sur le gâteau) la production de l’Assr2, comme preuve que la
formation est bien complète et l’enfant (qui se croyait adulte) apte à
conduire. Pour les nuls, l’Assr2, ou « Attestation Scolaire de Sécurité
Routière de Niveau 2 » est le bout de papier qui est remis au collégien qui
a fait trois tours de voiture à pédale sur le circuit tracé à la craie dans la
petite cour, sans renverser le flic placé au milieu, (qui regrette ce jour-là que
sa demande d’affectation à la circulation place de l’étoile lui ait été refusée)
ni jouer à percuter la petite Lulu qui l’a énervé en voulant pas partager son
chewing-gum. En constatant sans surprise que le document est perdu, on se dit
que c’était quand même plus simple avant, même si Jean Yanne se plaignait déjà dans
les années 60 du temps qu’on perd en formalités.
Entre deux déplacements à Ivry ou à Lyon, se livre à
l’escalade : la vraie (en milieu naturel) ou la fausse (en salle).
Boulot
numéro 1
L’éducation
nationale a mis depuis longtemps un frein à l’immobilisme comme en témoignent
certains nouveaux objectifs de fin de cycle : Mise en évidence des groupes
syntaxiques : le sujet de la phrase (un groupe nominal, un pronom, une
subordonnée) ; le prédicat de la phrase, c'est-à-dire ce qu'on dit du sujet
(très souvent un groupe verbal formé du verbe et des compléments du verbe s'il
en a) ; le complément de phrase (un groupe nominal, un groupe prépositionnel) …
Sinon, tout va bien.
Boulot numéro 2
A
l’occasion d’une conférence débat sur les métiers de l’avenir (à moins que ce
ne soit l’avenir des métiers), on est tout surpris de se sentir jeune, entouré
de têtes chenues et cravatées dont la moindre n’est pas celle du maître de
cérémonie, vénérable vieillard tout rabougri que beaucoup saluent en inclinant
la tête d’un surprenant « Monsieur le Président » où l’on cherche en
vain la moindre once de second degré, contrastant avec les us de l’entreprise, au
tu et à toi, et à la grande claque dans le dos. Il conclura la séance en citant
Coluche « Il faut mettre un frein à l’immobilisme ». Et la foule de
s’esclaffer.
On
comprend a posteriori que le mystérieux personnage, est un énarque, ex
inspecteur des finances, chef de cabinet de Jacques Delors sous le gouvernement
Mauroy,
membre du Conseil d'orientation pour l'emploi
et certainement président ou ex de tout un tas de trucs très sérieux. On se réjouit
d’autant plus que les enfants aient trouvé un job que, sinon, on aurait juste
raté une occasion de leur trouver un beau piston.
Voyages
En Irlande à pâques, on commence par la côte ouest, plus
ou moins rebaptisée « Wild Atlantic Way » par quelques rois du
marketing, on découvre à Killarney un nouveau whisky bar qui sert plus de mille
références, et on cède à la proposition savamment travaillée d’un assortiment
de quatre whiskys et de quatre chocolats, en se disant que si le Midleton Very
Rare est servi avec du Cocoa Atelier Vanilla alors que le Cocoa Atelier Mango accompagne
le Kilbeggan 21 Year-Old, ce n’est sans doute pas sans raison.
On a réservé depuis Paris une table à l’OOTB (pour
les nuls, l’Out of the blue est un succulent restaurant de Dingle qui sert
exclusivement du poisson et n’est ouvert que le soir). Comme on a pris du
retard sur la route, et qu’on n’a pas le numéro sous la main (ben non, il doit
être dans le guide au fond du sac, pourquoi ?) on sous-traite à l’enfant
numéro un de trouver le numéro sur internet et, pendant qu’elle y est de
prévenir le restaurant de notre retard. Elle s’acquitte à merveille de sa
mission et on ne regrette pas d’avoir contribué à sa maîtrise de la langue,
fut-ce à coup de camping au Pays de Galles, de mobile home en Irlande ou de
pubs (encore enfumés) un peu partout.
Une fois n’est pas coutume, on termine par la
capitale où l’on fait un passage obligé dans le mythique temple bar, où U2
aurait fait ses classes. Il s’agit bien de passage, tant à peine rentré on se
sent emporté par la foule (qui nous traîne, nous entraîne, écrasés l'un contre
l'autre), pris dans un laminoir humain (pression et chaleur comprises) d’où on
espère juste au plus vite sortir vivant de l’autre côté.
A Dublin, toujours, on subit le « Good
Friday », vendredi saint qu’on avait déjà expérimenté ailleurs et dont la
caractéristique principale (si l’on excepte quelques pratiques religieuses qui
nous sont parfaitement étrangères) est qu’il est interdit d’y boire de
l’alcool. Les pubs sont fermés et les quelques bouteilles qu’on pourrait
apercevoir en vitrine soigneusement cachées sous des draps hypocrites. On
pensait le respect de cette coutume moyenâgeuse plus laxiste à Dublin
qu’ailleurs. Il n’en est rien et on passe une journée sans même une petite
Guinness.
A Dublin, encore, par un jour plus faste et dans un
bar plus calme, on s’offre, pour voir, un redbreast 25 ans d’âge, et l’on doit
bien admettre qu’il faudra encore quelques années avant que notre palais ne
sache faire, entre un redbreast 12 ans (le tout-venant qu’on déguste à Malakoff)
et un 25 ans une différence qui compense celle imposée à notre carte de crédit.
On
arrive à Cuba trop tard pour espérer rencontrer Fidel, « Io soy Fidel »,
affichent toujours les murs (jeu de mot) et son image reste omniprésente, plus
que celle de Camilo Cienfuegos qu’on découvre comme « ami de toujours »
très photogénique avec son look de Christ en chapeau de cow-boy né en 1932 et
arraché à l’affection de Fidel lors d’un accident d’avion en 1959, ce qui lui ouvrirait
de plein droit la porte du club des 27 des rock stars (car il n’est pas
nécessaire de jouer du rock pour être une rock star) où siègent les Brian
Jones, Janis Joplin et autres Kurt Cobain. On lit dans le guide (qu’on referme
bien vite et planque au fond d’un sac) qu’une contribution de Castro au
déroulement de cet accident n’est pas à exclure.
La
star toute catégorie reste le Che, dont la célèbre photo d’Alberto Korda est
exposée et vendue à toutes les sauces que l’on imagine.
A
propos de sauce…on ne gardera pas un souvenir impérissable de la cuisine
cubaine, mais on y dégustera sans se lasser et sans se ruiner de nombreuses
langoustes dont la dernière à la sauce au chocolat (ce qui donne un résultat
très différent du whisky-chocolat irlandais) mérite une mention spéciale. A
part cette notable coquetterie culinaire, les plats sont assez simples, le
petit déjeuner très régulièrement composé de papaye et de mangue. Quand intrigué
par le menu, on commande du fromage à la confiture, on a du fromage et de la
confiture ; quand on demande la sauce piquante dans une pizzeria, on a du
tabasco. Quand il n’est pas dans la langouste, le chocolat se boit sans lait.
Le
premier choc est thermique, on se réfugie un après-midi dans une salle de
bowling climatisée où l’on se retrouve pratiquement seul puisque les touristes
sont à la plage et les cubains (qui de toute façon n’auraient pas les moyens)
aussi. Ils y organisent un concours de bruit en passant sur d’énormes enceintes
à la limite du transportable et du supportable, car la musicalité importe alors
moins que le volume, une espèce de techno vaguement hispanisante. On se prend
par ailleurs à apprécier l’autre musique cubaine qui nous est donnée à entendre
dans des bars ou sur les deux C.D achetés au hasard et qu’on se passe en boucle
dans la voiture.
Le
deuxième choc est socio-culturel. Car si le chocolat est sans lait, c’est que le
lait est une denrée rare, comme à peu près tout, tout sauf le rhum et les
bananes, les mangues et les papayes. Les gens qui nous abordent à la Havane en
flairant le nouvel arrivant nous annoncent tous que le Buena Vista Social club,
donne aujourd'hui seulement un concert gratuit dans un bar pas loin. On fera
l’expérience d’en suivre un pour payer notre premier mojito le double du prix
habituel (mais quand c’est le premier, on n’a pas l’habitude).
A
Cienfuegos, (oui, une ville, le même nom), on se risque à poster quelques
cartes, car on a repéré, planquée derrière un échafaudage, une boîte aux
lettres dont la moitié de la rue nous aide à soulever le rabat. Elle arrive 3
mois plus tard paraphée de quelques inscriptions mystérieuses qui doivent
indiquer le code du responsable de la vérification des contenus et l’absence de
référence au rôle de Castro dans l’accident de son ami de toujours.
Ramené
au temps passé dans les services postaux, le timbre Cuba / Paris est
remarquablement bon marché.
Pas
un jour sans mojito, sauf ceux où l’on essaie le Daïquiri dont la légende
affirme que la recette finale serait sortie de la tête d’Ernest Hemingway,
quatrième au hit-parade des figures omniprésentes dans l’île.
De
retour en France, pour conserver ses bonnes habitudes tout en privilégiant les
circuits courts, on investit dans quelques pieds de menthe qu’on replante dans
le jardin, avec l’assurance unanime que « ça pousse comme du chiendent », ce
qui n’empêche pas qu’on n’en trouve plus trace l’hiver arrivé.
Elle a voulu voir Honk-Kong, elle a vu Honk-Kong.
Sollicitée par une ancienne collègue de l’âge de sa fille et décidée sur un
coup de tête, c’est pendant les vacances scolaires et que Monsieur reste à
vaquer à Paris que Madame s’envole (sans même pouvoir pendant le décollage se
rassurer en broyant la main de la susdite collègue, qui dans la panique des
préparatifs a choisi un autre avion) pour l’ancienne colonie anglaise
rétrocédée (pour les moins nuls, si vous comprenez quelque chose au statut
d’Honk-Kong…).
Elle visite les mille Bouddhas puis l’hôpital local
sans hésiter à prendre l’option « scanner » qui semble un luxe sur
place. Elle visite Macao, l’enfer du jeu et fait de substantielles économies en
ne misant pas un pataca dans une partie de baccara qu’elle a du mal à suivre tant
qu’elle croit qu’il s’agit d’un black jack.
Du 22 au 29 décembre, une promesse faite il y a une
petite quinzaine d’années (« il faudra qu’on y retourne ensemble, hein ? Et
on apportera une nappe ?») est enfin tenue. C’est avec enfants + conjoint
(hélas au singulier puisque le pharmacien -ou faut-il maintenant dire « pharmacienne »,
comme toutes celles et ceux ?-, Cléa, donc, est retenue par une de ces
gardes qu’on réserve aux nouveaux arrivants, jeunes et sans enfants) et amie de
square + amis d’enfance + conjoint (encore au singulier) qu’on occupe (mazette)
deux beaux duplex en bord des pistes quelque part entre Lanslebourg et
Lanslevillard : Val-Cenis. Les jeunes peuvent skier sans les vieux et les
vieux apprendre par cœur la piste de l’escargot sans les jeunes. L’ambiance est
chaleureuse et les soirées bien arrosées.
Comme c’est Noël, et que, de Noël sans
dinde aux marrons, il n’est point, le seul couple véhiculé a donc été chargé d’un
extra-passager en la personne (qu’on nous pardonne cet abus de langage) de la dinde
bien au froid dans son sac isotherme. Le transfert de marchandise ayant eu lieu
dans des conditions particulièrement méticuleuses, c’est conscient de la
responsabilité qui nous incombe qu’on a pris toute précaution pour ne pas
briser la précieuse chaîne du froid. En d’autres termes, on fera 700 km à se
cailler dans la voiture pour que la bestiole arrive en bon état.
Il aurait été regrettable qu’une telle
dinde fût dégustée sur la moche toile cirée standard qu’on subit dans toute location
de vacances. C’est pourquoi, l’organisation inclut évidemment, (amenée
spécialement de Paris), une superbe nappe rouge brodée de divers motifs de
saison : père Noël, sapins, bonshommes de neige et autres cerfs à nez
rouge ou pas. Lorsque vient l’heure de s’arrêter de festoyer (au moins pour la journée),
c’est à un des jeunes qu’échoit la tâche de secouer la nappe par la fenêtre
afin de l’en débarrasser de divers reliefs du repas. Faisant preuve d’un zèle
inhabituel, il s’en empare en entraînant aussi concomitamment qu’inopinément la
moche toile cirée standard. L’énergie qu’il met à secouer l’ensemble en n’en
tenant qu’une partie provoque une libération de la moche toile cirée qui vient
à s’avachir sur l’auvent quelques étages plus bas. On juge inutile de s’en
inquiéter dans l’immédiat, persuadés que demain il fera jour. La prédiction,
bien sûr avérée, n’incluait pas qu’une chute de neige nocturne allait
dissimuler l’objet à la vue de tous. On se perd en conjectures pour savoir si
sous la neige, la nappe, en n’imaginant pas vraiment qu’elle puisse être
ailleurs. Comme on entend le jeune (ir)responsable (soucieux de réparer) construire
un plan où il serait question d’escalader l’auvent par la face nord de la
gouttière, on lui conseille, bien que respectueux de sa formation d’architecte
dont on doute qu’elle ait inclus beaucoup de cours de résistance des matériaux
(option gouttière), d’aller plutôt skier.
A ce jour, le mystère de la moche toile
cirée n’est pas élucidé. D’aucuns affirment avoir diligenté un homme de main
qui, muni d’une échelle, aurait scruté en vain le fameux auvent. D’autres
prétendent que la tempête qui s’en suivit aurait pu l’emmener bien loin,
là-haut dans la montagne (où le loup l’aurait mangée ?!?). La seule
certitude à ce jour est que la moche toile cirée standard fut facturée quarante
euros aux locataires imprudents.
Rentré à Paris, on crut d’abord à un
rebondissement de l’histoire (voire à un retour de la toile de Monsieur Seguin)
quand l’agence appela pour une information importante. Le propriétaire belge et
pas du tout content, pestait contre la disparition de son livre d’or qu’il
aurait frénétiquement cherché dans tout l’appartement. On se rappelle bien cette
chose kitschissime, posée ostensiblement près de la télé avec sa tranche et son
fermoir dorés qui la rendaient presqu’aussi moche qu’une toile cirée, même si
l’on fait abstraction des banalités infantiles qu’on avait eu le temps d’y lire
(« c’est trop top, ici », « c’est grave bien et y a de la
neige », « la raclette était super », « j’aime bien le
ski », « elle est trop moche la toile cirée »)... Fort de la
certitude de n’avoir pas touché la précieuse relique, sauf peut-être pour y
arracher une page pour faire la liste des courses, on clôt le débat en se
disant (sans a priori xénophobe) que tous les belges n’ont pas l’humour de Charline
Vanhoenacker et que ceux-là doivent même croire qu’un livre d’or devrait être
en or.
Le départ a lieu le matin de la nuit où la neige est
sérieusement tombée (un belge n’y retrouverait pas un troupeau de toiles
cirées). On se quitte en se promettant « il faudra qu’on y retourne
ensemble, hein ? », en suggérant de remplacer la nappe brodée de père
Noël, sapins, bonshommes de neige et autres cerfs par un concours de pulls de
saison de la même inspiration (qu’on ne demandera pas de secouer par la fenêtre
tant qu’on les portera).
Musique
et autres distractions
Le
17 mars, au new morning, Elliott Murphy, impeccable dans ses chansons comme
dans sa veste de velours rouge déclare que la seule bonne chose qui soit
arrivée en 2016 est l’attribution du prix Nobel à Bob Dylan.
Dylan vend son
discours de réception dans une version limitée à 100 exemplaires. Le tarif est
fixé à 2500 dollars. L'ouvrage est placé dans un écrin protecteur, accompagné
d'un certificat d'authenticité et signé de la main de l’heureux récipiendaire,
dont on sait qu’il est allé récipiender dans la plus grande intimité.
On se contente
de la version standard à 9 euros en se disant qu’il sera plus sympa d’obtenir la
dédicace de sa main, tant il aime discuter avec son public après chaque concert
(pour les nuls, c’est une blague). L’ouvrage raconte en quatre parties ses
premières émotions musicales (Buddy Holly lui a insufflé un truc quelques jours
avant de prendre l’avion de trop), puis ses trois romans préférés : Moby
Dick, à l’Ouest, rien de nouveau, et l’Odyssée. Le résultat est du niveau s’une
dissertation pour l’obtention du brevet des collèges à laquelle on accorderait
volontiers la moyenne si on y trouvait le moindre fil conducteur. Dans son
dernier triple album, il reprend « The best is yet to come ». On
l’espère. De tout cœur.
On inaugure la U Arena
(c’est quoi ce nom ?) avec les Stones bondissant comme à vingt ans et
jouant encore mieux, pas peu fier de constater que le Jagger porte sur scène le
même t-shirt que celui qu’on s’est offert avant le concert.
Au trianon, Gary Brooker,
marchant comme à soixante-dix ans mais peut être avec la même chemise qu’à
vingt (celle de la pochette du 45 tours) emmène toujours son procol harum vers
la même conclusion « and so it was that later, as the miller told his
tale, that her skin at first just ghostly turned a whiter shade of
paaaaaaale ». Le public semble composé exclusivement de gens qui ont aimé
le disque à sa sortie.
Travaux
et aménagements
A Malakoff, le dossier Vélux est enfin clos et la maison arbore enfin fièrement
ses deux excroissances dont la pente affiche les 27% réglementaires avec
l’horizontale, et 17 avec le toit lui-même, dont on calculera (à 0,5 % d’erreur
près) la tangente de l’angle fait avec le sol (en admettant en première
approximation que ce dernier est parfaitement d’équerre avec le mur). Ce petit
exercice de trigonométrie nous est offert par la Maif et la maison Tougeron.
Rue des Dames, investie un an plus tôt par enfants et compagnons,
on avait fait la connaissance d’un charmant musicien, propriétaire du dessus
qui, accompagné de sa maman, avait été convoqué comme les autres à l’assemblée
générale extraordinaire traitant de la réfection de la courette intérieure.
Fort de ses 20 m2 et du fait qu’il venait d’acquérir un bien dans un immeuble
où les ravalements légaux avaient été engagés avant la promesse de vente, il
avait un peu tiré la langue à l’annonce de la rallonge demandée aux
copropriétaires en général et à lui en particulier. Pas plus que les autres qui
ont tendance à penser qu’avec une erreur de 100% sur un devis initial on pouvait,
sans être excessivement procédurier, s’attendre à un mea culpa du syndic ou de
l’entrepreneur, oui mais vous comprenez, tant qu’on n’a pas creusé, on ne sait
pas ce qu’on va trouver. En vieil habitué de la clause « sous
réserve » on serre les poings et compte ses sous.
Quand alerté par des traces d’humidié dans la salle de bain, on
tire le faux plafond, d’où s’écoulent quelques litres d’eau et d’où
pendouillent très vite les lampes basse tension qui y étaient encastrées, on se
dit que le sympathique trompettiste n’est pas au bout de ses peines ni de son
porte-monnaie (et nous non plus) puisque c’est bien dans sa douche qu’il faut
remplacer le petit joint fautif qui a laissé s’échapper les gouttes et les
gouttes qui se sont faufilées au cinquième, voire au quatrième.
De
diagnostic en expertise, de devis en réparation, de ping en pong (« ah ben
non, pour ça, c’est l’assurance de la copropriété, du propriétaire responsable,
celle de l’occupant, du propriétaire victime– rayez-la mention inutile »)
de séchage (« ah ben là Msieur, il faudra bien attendre 6 mois ») en
devis, puis de devis en devis (« ah bon, vous vouliez aussi pour
l’électricité, mais vous l’avez pas dit ! »), les lampes basse
tension pendouillent toujours dans la salle de bain.
Vaste
monde cruel
D’aventure en Pénélope, arrive le second tour très prévisible où
« les républicains » font part de leur désespoir que la droite ne
soit pas représentée alors qu’on se retrouve face à une droite qui s’affirme de
droite et une droite qui se prétend en « même temps ». Après s’être
juré de ne plus jamais voter à droite, on se laisse convaincre en se bouchant
l’autre narine (celle que la mésaventure de 2002 avait laissée libre) de contribuer
à faire barrage à la blondasse de Montretout.
On s’aperçoit que si le nouveau président est bien celui
des riches qui font tourner l’économie, les Uber et les emplois flexibles, de
l’argent qui virevolte gaiment semant bonheur et prospérité dans le monde
merveilleux de l’entreprise et des entrepreneu(ses)rs et des celles et ceux, il
n’est pas celui des capitalistes immobiliers et ringards, lourds comme la
pierre qu’ils possèdent. On rentre encore dans cette catégorie un peu rance qui
en plus ne fait circuler que dalle puisque la jouissance des biens se limite
mesquinement au cocon familial.
On envisage de sommer les papillons de vider le cocon pour le brader et transformer
tout cet argent moisi en bit-coins et actions Lagardère bien fraiches. Attitude
irréprochable qui ne provoquerait que transitoirement une poignée de SDF, de
toute façon appelés à disparaître.
On se réjouit, dans l’optique d’une estimation, que l’assurance n’ait pas
encore pris en charge les travaux de réfection nécessaires à la salle de bain.
Quoi qu’on ait pu penser par ailleurs de
Johnny Hallyday, sa mort a eu le mérite de détourner le chœur des pleureuses
qui s’attardait avec insistance sur un autre vieux réac à l’œil si pétillant et
bleu. Et en assistant de loin à ses funérailles gigantesques pas nationales,
non, mais presque, on se dit que la France a trouvé sa lady Di. Le peuple et
son Président se lamentent, la bête de com rend hommage à la bête de scène et
s’incline devant la veuve, pas trop quand même « ma pauvre Laetitia, on est
bien peu de choses, venez plutôt par-là, que la caméra prenne mon bon profil
smack, smack ».
On se fait rappeler quelques grands
moments de convivialité où une bande de potaches attardés bien calés au chaud
au fond d’un car hurlaient à tue-tête « quand mon corps sur ton corps, lourd
comme un cheval mort ne sait pas, ne sait plus s’il existe encore » (ça c’est
de la littérature, Lucien Thibaut prochain Nobel ?).
Plus discrètement, Tom Petty nous quitte
en octobre.
31
L’année se
termine en la même excellente compagnie que la précédente à l’exception
d’Ariane Mnouchkine retenue ailleurs. Le malaise vagal de la convive invitée,
rétrospectivement sans gravité, aurait gagné en intensité dramatique à survenir
à minuit pile (sans doute Ariane aurait-elle été plus rigoureuse sur le
timing), mais on attribuera finalement une bonne note à ce dîner presque
parfait. C’est autour ou dans un lit convalescent qu’on échange Opinel et
saucissons (tous de Haute-Maurienne) contre CD, livres, rhum à arranger,
baisers et formule de rigueur, et surtout une bonne santé.
Errare humanum est
Des
années ou on a envie de ne rien faire, jupe plissé, ses passages lui a ouvert, prix
sur le fait, ça et là.
Activité culturelle
Au cinéma
on tombe sous le charme d’une bande-annonce où serveuses de bar, actrices et
maîtres-nageurs échangent quelques propos désabusés dans le Coney Island des
années 50. Ça, j’irai le voir se promet-on avant même que la bande-annonce n’annonce
que le metteur en scène est Woody Allen dont on vénère plus d’une création. Peu
de temps après, quelques présomptions insistantes semblent appuyer ce qu’on ne
voulait pas entendre quant à un comportement inapproprié, comme le disent
Cahuzac et DSK (mais jamais Bernard Tapie). Le piédestal vacille encore, comme
si Dylan se mettait à monnayer des écrits minables. Reste à décider si on ira
voir « Wonder wheel ».
Projets et voyages
De
plus en plus décidés à retrouver New-York, on envisage d’élargir la visite à
plusieurs villes de la côte Est. Qu’allez-vous
faire dans l’Amérique de Trump ? nous interrogent ceux-là même qui
semblent se satisfaire de la France de Macron.
Vaste monde cruel
Dakar :
« Sébastien Loeb, le mythique nonuple champion du monde de WRC, contemple
sa voiture les mains sur les hanches. De dos, l'on devine son désespoir. Son
copilote de toujours, Daniel Elena, est lui allongé en position fœtale.
Souffrant d'une fracture du coccyx, il se tort de douleur ».
Et
la photo montre bien Sébastien Loeb fort marri de la mésaventure de son
véhicule tandis que l’autre (sans doute partagé entre l’envie de cacher une
fracture dont la bienséance ne l’autorise pas à faire état et celle de tirer
pour une fois la couverture) se tort (sic) effectivement de douleur sans un
regard du mythique nonuple champion du monde. Et la faute d’orthographe est à
attribuer à RTL.
En des temps lointains, on pouvait fumer sa pipe comme le capitaine Haddock,
pomper comme les shadoks et aimer les sucettes comme Annie sans que personne
n’y voit aucun double sens. France Galle fut une icône de cette époque.
Parent
numéro 1 : Hélène.
Bisous et bonne santé.
Parent
numéro 2 : Didier.
Bisous et bonne année.