Chatte numéro 1
Reste cardiaque et
accro à son quart de Fortekor quotidien. Comme sa
silhouette rappelle de plus en plus celle d’un tonneau, on se demande s’il ne
s’agit pas d’un effet secondaire du précieux médicament. « Non,
non », répond pour la troisième fois la vétérinaire.
« Oui, oui »,
répond Google interrogé pour la première fois.
Chatte numéro 2
Apparition d’une grosse excroissance dorsale, sous cutanée qu’il convient
de faire retirer dans les meilleurs délais.
L’opération a lieu juste avant un départ en vacances. L’animal trouve
évidemment le moyen de rouvrir sa plaie non cicatrisée alors qu’il est placé
sous la garde des enfants (numéro 1 et assimilé) qui trouvent, eux, celui (le
moyen) de faire rapatrier les parents et leur rendre la charge de la
convalescente.
A cette occasion, la vétérinaire choisit au hasard dans sa réserve un bandage
style camouflage (ce joli mélange marron, kaki et vert qu’affectionne la gente
militaire).
Récidive, de mauvais augure, en décembre.
Après les atermoiements de circonstance, la vétérinaire annonce, que pour
la deuxième opération (théoriquement en tous points similaire à la précédente
en protocole comme en coût), on pourra faire l’économie d’une prise de sang. La
sentant en veine de générosité, on lui demande (sans vouloir abuser) qu’elle utilise
le même bandage de camouflage, ce qui prouve à ceux que l’observation attentive
de la déchéance de Brigitte Bardot n’avait pas encore convaincus que la
confrontation à la souffrance animale peut faire perdre tout sens commun.
Chattes numéro 1
et 2
A l’une comme à l’autre, les vieux fauteuils Louis XV rajeunis d’un tissu
furieusement moderne et flashy, et le vieux pouf tapissé de couvertures de
magazines glamour (chacun peut poser ses fesses sur Michelle Obama, Claudia
Schiffer ou Daniel Craig) font grand effet. Les premiers instants de respect
passé, elles redécouvrent un usage de type « grattoir » dont seule la
pose de vieux coussins moches qui dissimulent les beaux tissus neufs et chers
aux yeux des propriétaires autant qu’aux leurs les dissuadera.
Enfant numéro 1
Réside toujours avec
le chti qui partage sa vie, ses études et son toit et qui, au gré de sa
fantaisie, la ramène à Roubaix, lui fait connaître Gérardmer ou l’emmène en
famille (la sienne, merci à eux) redécouvrir Québec.
Continue à négliger
le tourisme alpin que les parents en visite estiment pourtant être le seul
intérêt de la ville de Grenoble, arguant qu’elle est toujours accablée par la
quantité de travail exigée par sa formation. Ainsi, lorsque le couple affirme
s’être lié d’amitié avec un coréen adopté devenu Indépendantiste alsacien de sang
royal, les parents préfèrent ne pas intervenir jugeant qu’un petit pétard de
temps en temps peut les aider à tenir le coup.
Elle termine ainsi ses
études grenobloises en obtenant son master2 en droit international, option « causette
avec les méchants » (rappelons qu’au difficile jeu des simulations des
négociations de l’ONU, elle fait la Croix Rouge à elle toute seule) en
soutenant une thèse pas spécialement fun sur « la France et les crimes de
guerre ».
Le jury séduit salue
la qualité de la production mais un peu faux-derche lui conseille de ne publier
que si, « enfin, vous voyez, vous ne cherchez pas trop à rentrer dans
l’administration ».
Elle gagne de
justesse un pari contre son père en allant finalement emprunter le téléphérique
qui monte du centre-ville vers la colline d’où on peut admirer le centre-ville,
puis, comme prévu, vient se réinstaller à Malakoff.
Avec son compagnon, comme
prévu. C’est en tout cas ce qui semble avoir été décidé lors d’une négociation
non simulée à laquelle les parents ne se rappellent pas avoir été conviés.
Lui, qui projette une
carrière de commissaire de police vient donc à la Capitale pour préparer le
concours qui en fera un des patrons du 36 avant qu’il ne déménage. Réalisant
soudain que sa position de successeur du célèbre Bougret
lui imposera le port du chapeau mou sur cheveux ras et visage glabre (à
l’exception peut-être d’une fière moustache gauloise), il se met en devoir de
laisser pousser une dernière fois barbe et cheveux et d’explorer tout un tas de
variantes entre catogan, queue de cheval, peigne en avant, en arrière. Certain
de n’avoir pas fait le tour de ses possibilités capillaires, il retarde
provisoirement son inscription au concours.
Ses
principes alimentaires assez stricts l’amènent à contempler d’un œil suspect certaines
traces de bonification du fromage qu’il qualifie de « poils ». C’est
un peu notre « Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu » à nous.
Quant à elle, ayant
un ticket avec le ministère des affaires étrangères, elle se voit très vite proposer
un stage pour étudiant, qui aurait déjà commencé si elle était encore
étudiante. Qu’à cela ne tienne, pense-t-on d’abord en effectuant en un
tournemain une inscription aux cours du Cnam. Sitôt
dit, sitôt fait, sitôt fait, sitôt rattrapée par la patrouille. Non seulement (non solum) le Cnam refuse de délivrer la convention de stage, mais (sed etiam) il
menace des pires poursuites judiciaires en dénonçant une inscription illégale
que la morale réprouve. On change son fusil d’épaule et l’enfant se déplace à
Grenoble, toujours pas pour le téléphérique : pour s’inscrire à une
nouvelle formation légale, mais non diplômante et donc tout aussi inutile pour
atteindre le but recherché. Aux dernières nouvelles, le dossier aurait tant plu
au ministère qu’il est question d’une vacation débutant en février (au fait,
ils ont vu le sujet de la thèse ?).
Après des années
passées en britannie,
puis dans le Nord, à leur retour en ile de France, la bière coule à
flots, d’autant que leur passion pour ce breuvage semble partagée avec l’enfant
numéro 2.
Enfant numéro 2
Continue
à se nourrir souvent dehors, souvent en horaire ou juste assiette décalée,
voire les deux à la fois. Des manifestations en sont l’arrivée inopinée d’un
livreur de sushis ou la propagation d’une odeur de croque-madame grillé qui,
vers trois heures du matin, vient titiller les narines des parents à qui il
arrive de rêver qu’il est l’heure de se lever et qu’une âme généreuse leur a
préparé des toasts.
Donne
beaucoup dans le déplacement en région (pour les nuls, c’est comme ça qu’on
appelle la province pour ne pas vexer les provinciaux) en compagnie d’un cercle
large mais fidèle d’amis. A l’une ou l’autre de ces occasions, la faluche
égarée est reconstituée de toutes ou presque pièces, entendons par là en
remplaçant le remplaçable et en regrettant l’irremplaçable.
Lors
d’un déplacement à Bayonne, semble-t-il à la suite d’une soirée où il aurait pu
rencontrer des coréens adoptés indépendantistes alsaciens, perd son groupe de
copains, se retrouve sans argent, et mobile déchargé à attendre un car qui
n’existe pas, puis erre un ou plusieurs jours à la recherche d’un improbable
fil d’Ariane.
Cela
prouvera au moins que l’égarement du mobile ou la décharge de batterie n’est
pas réservé à la relation avec les
parents, quand il s’agit d’honorer la sempiternelle et sans doute lancinante requête
« T’oublie pas de nous appeler en arrivant ».
Encore
étudiant, prend un poste de stagiaire chez Bristol-Myers Squibb qu’on appelle
avec moins de précision mais plus de facilité Upsa.
Boulot numéro 1
La liste FCPE gagne
les élections de parents d’élèves et produit une gazette de 20 pages sur papier
glacé, centrée sur le dossier « notes du comportement, une autre école est
possible ». Il y est proposé le remplacement des trop classiques bonshommes
vert, orange et rouge (susceptibles « d’induire des effets pervers »)
par un « loup du comportement » capable de passer par quatre couleurs
propres à « responsabiliser l’enfant plutôt que le culpabiliser »
(d’autant qu’il est bien précisé de ne « pas l’utiliser pour des éléments
à caractère médical : aller aux toilettes »).
Vexé de n’avoir pas
pensé de soi-même à proposer des réunions pour « apprivoiser le loup
intérieur de l’enfant qui a enfreint une ou plusieurs règles », le corps
enseignant (mauvais joueur) garde la feuille de chou par devers soi et s’amuse
à en corriger les fautes d’orthographe.
Boulot numéro 2
Tant qu’on peut
encore aller aux toilettes sans avoir un loup orange…
Voyages
Irlande fin avril. Pour un 3ème vendredi saint sur place, on a bien compris que les pubs
étaient fermés et la bière interdite. On comprend aussi, comme les locaux,
qu’il est possible de boire du vin en accompagnement d’un repas. Ce jour-là les
Irlandais vont beaucoup au restaurant et se nourrissent d’un rien.
Alsace
en été. On découvre ou redécouvre Hansi, dessinateur très patriote donc
anti-« boche », donc un peu réac sous le crayon duquel on peut
entrevoir les prémices des œuvres d’Hergé ou de Gir (en
imaginant des vues plongées où les villages d’indiens seraient remplacés par
des Alsaciennes à coiffe et cocarde et les vautours par des cigognes). Occupés
à déguster des fleischnaka, lawerknepfla,
spaetzles, on manque d’oublier de manger une
choucroute.
En
revanche, on assimile bien vite le Gewurztraminer sous toutes ses formes, surtout
le « vendanges tardives » dont on n’oublie pas de goûter toutes les
variantes au fur et à mesure du voyage.
Les
toits ressemblent à ceux des hospices de Beaune. Les maisons sont à colombage
(dont on finit par se demander dans quelle région de France on pourrait ne pas
en trouver). Les cigognes omniprésentes. La petite Venise à Colmar, la petite
France à Strasbourg (charmant quartier, dit autrefois « des vérolés »).
On mange des bretzels qu’il ne s’agit pas d’aimer mais de déguster parce que
c’est l’Alsace, comme à New-York, parce que c’est New-York.
Désireux
de ramener un souvenir à l’enfant numéro deux, on entre imprudemment humer
l’air d’un magasin à touristes. A peine a-t-on l’œil attiré par un pack assorti
de différentes teintes de bières qu’on est happé par la vendeuse avec qui on
joue carte sur table pour obtenir le conseil adapté : « C’est pour
notre fils, surtout amateur de bière blanche, on se demande s’il aimera les
autres surtout la brune, est-ce qu’elle est forte ? ». La réponse de
l’experte ne se fait pas attendre : « pas de problème, de toute
façon, s’il n’en aime pas une, il aura qu’à les mélanger, c’est comme ça qu’on
fait ».
Ben
voyons, quand un invité trouve mon Saint-Julien trop tanique, je l’allonge au
Beaujolais nouveau (celui qui sent la banane).
On
traverse plusieurs « plus beau village de France » : Eguisheim, Riquewihr. On oublie ce qu’on y a vu et quand,
mais on retient qu’on y a bu un cru de Gewurztraminer.
On
traverse la frontière allemande pour le dépaysement, surtout celui de la
langue, pour voir une belle ville et le plaisir d’acheter un sandwich à la
saucisse mis dans un petit pain rond avec de la moutarde qui dégouline partout.
On croyait pourtant avoir demandé la version avec le pain long, celui où la
moutarde ne dégouline que d’un côté à la fois.
C’est
là qu’on se rend compte que si une langue, (selon la définition de Ferdinand de
Saussure), est un système de signes conventionnel et doublement articulé qui
sert de moyen de communication et d'échange, c’est aussi un prérequis pour ne
pas se foutre de la moutarde plein les doigts.
Le
séjour alsacien se termine brusquement à « le Bonhomme ». Nous
déconseillons fortement à toute personne souffrant de la moindre tendance
neurasthénique de passer une soirée à « le Bonhomme », même si leur
chat est en excellente santé.
En
l’occurrence, la conjonction de l’endroit, de son unique rue déserte (avec son
unique et cafardeux hôtel - table d’hôte dont les papiers peints sont un appel
au suicide et où nous avons bien sûr élu domicile) et de la mauvaise nouvelle (l’ouverture
de la cicatrice de chat numéro 2) annoncent une soirée de déprime évitée de peu
par la découverte tardive d’un deuxième restaurant où on déguste enfin la
fameuse choucroute et le dernier Gewurztraminer vendanges tardives local.
On
décide de rentrer en catastrophe en région parisienne pour gérer le problème
« cicatrice ».
Cette
décision héroïque étant prise, le retour à l’hôtel se fait dans la bonne humeur
« tu trouves pas qu’il est sympa leur papier ?
– oui j’aime bien le petit canard qui se baigne dans la marre avec le lapin qui
lui sourit… ».
Cela
nous prive hélas d’une villégiature pourtant prometteuse à Gérardmer et on se
contentera, sur le chemin du retour qui passe par Chalon-sur-Saône de prendre
le temps de faire provision de chaussettes Labonal à
Besançon (pour les nuls, Labonal qui signifie
« La bonneterie alsacienne » est une excellente marque de chaussettes
dont la qualité est unanimement reconnue en Alsace et jusqu’à Besançon).
On s’accorde une petite prolongation en boulonnais : à Wissant (prononcer
ouissant) et Wimereux (prononcer vimereux)
dans un hôtel capable de nous faire oublier le Bonhomme. C’est là, alors qu’on
s’interroge encore sur l’intérêt du « w » dans la langue française, qu’on
découvre un superbe Whisky qui nous permet de tenir une discussion de pseudo
experts mais de vrais frimeurs avec le maître d’hôtel.
On s’en procurera une bouteille à Noël. On recevra aussi un « Wambrechies »
au nom plus écossais qu’un Ecossais (au moins pour une oreille Malakoffiote), en réalité tout aussi originaire du Nord que
la belle-sœur de l’enfant numéro un, qui nous l’offre en échange d’un paquet de
feutres surligneurs (assortis).
Pour changer du nord, et revoir la mer avant
l’hiver, on passe deux jours en Picardie vers le Crotoy.
Au cours de nos pérégrinations, nous traversons Obernay, Thann, l’Isle Adam, Montreuil-sur-mer, Château-Gontier,
Saint-Valery-sur-Somme et leurs syndicats
d’initiative dont les preuves de passage nous font gagner un superbe polo aux
couleurs de « Les plus beaux détours de France ».
Les Plus Beaux Détours de France, c’est comme les
plus beaux villages mais juste si t’es pas trop loin. On note incidemment que
l’association est présidée par Hervé Mariton.
Carnet mondain,
suite
Rue Raymond Losserand la rencontre de Cabu
dans un troquet local, amorcée en 2013 n’est désormais plus fortuite : on constate
qu’il se rend avec une touchante régularité au susdit troquet, tous les mardis
avec les mêmes copains. Il devient si facile de le voir qu’on ne ressent même
plus le besoin d’aller demander l’autographe qu’on avait envisagé (comme pour
Willem ci-devant Malakoffiot, abordé un jour dans le
métro bien avant qu’il ne s’exile en l’île de Groix). Et puis de toute façon,
rien ne presse.
Vaste monde cruel
Après le coup d’état chilien instituant la dictature de Pinochet en 1973, et l’attentat du WTC en 2001, c’est encore un 11 septembre qu’un nouveau séisme va secouer la planète : Bernard Tapie n’aurait pas réellement été lésé dans l’affaire Crédit Lyonnais Adidas ! Les 400 millions de dédommagement (dont 50 pour préjudice moral) que d’aucuns se permettaient de trouver exagérés seraient ainsi complètement injustifiés. On a peine à croire que cet homme ait pu accepter une telle transaction, d’ailleurs établie avec l’accord tacite de l’ancien président connu pour sa rigueur morale. Ce dernier a justement, peu auparavant , mis à profit sa mise en garde à vue pour se mettre à gigoter et nous préparer à l’idée qu’il souhaitait remplacer son statut d’ancien président par celui plus flatteur de prochain.
Le
fait d’être sponsor des plus beaux détours de France n’aide pas Hervé Mariton à se hisser à la présidence de l’UMP. Nous nous
étions pourtant pris de sympathie pour le personnage. De façon plus générale, nous
nous prenons immédiatement de sympathie pour tout personnage qui par les moyens,
fussent-ils les plus abjects, les plus fourbes et les plus inavouables tente d’éloigner
les crocs de l’ancien président de toute forme de pouvoir (à part bien sûr
Bernard Tapie).
Musique et autres
distractions
Pas de Dylan en France cette année.
Johnny Winter vu l’année dernière à l’Olympia
décède ; comme Joe Cocker, Charlie Haden, Jack
Bruce et JJ Cale.
Still
alive and well, les jumeaux Moutin
viennent jouer leur Jazz fusionnel et déchaîné au foyer bar du théâtre de Malakoff,
volant à la vedette au saxophoniste qu’ils sont censés accompagner.
On avait en 2013, découvert
que Keith Haring, connu pour ses petits bonshommes
rigolos souffrait d’une maladie grave qui l’emporta à 31 ans et exprimait, à
qui savait y regarder de plus près, sa haine du racisme, de l’injustice et la
violence, des ségrégations, la menace nucléaire, la destruction de
l’environnement et l’homophobie. En 2014 on apprend que Niki de Saint Phalle connue pour ses grosses bonnes femmes marrantes a subi un viol incestueux et militait contre
tous les machismes et autres formes de discrimination. On apprend aussi que
Jeff Koons, connu pour ses énormes fausses baudruches
en dur milite surtout pour alimenter son compte en banque.
Travaux et
aménagements
Après
six mois passés à arracher des devis de réparation à plusieurs représentants de
chaque corps de métier dont le mode de fonctionnement nous échappe encore (« pourtant
celui-là il avait l’air bien, pourquoi il répond pas ?
Ah non Monsieur Paul a été appelé en urgence sur un chantier à Brest,
Marseille, Budapest – rayez la mention inutile. Je peux prendre un
message ? Il vous rappellera dès que possible. »). On envoie le
dossier à l’assurance qui se retourne vers la partie adverse qui met
curieusement un certain temps à se manifester. « Ah ben puisque c’est ça
on va les attaquer » menace, tout colère, l’assureur
militant au bout d’une dizaine de relances.
Dans
la salle de bains du premier, après l’épisode de la poutre anémiée, toutes les
réserves sont levées moyennant rallonge, les travaux reprennent, la poutre est repoutrée, la chape rechapée, et le tuyau fuyeur éradiqué sans ménagement, on est donc prêt à
commencer, mais pas tout de suite parce vous comprenez, il faut que ça sèche,
si je posais le carrelage sur du ciment frais vous me diriez « Vous êtes
pas sérieux Monsieur Perez ». Malgré quelques années passées à fréquenter
les différents corps de métiers du bâtiment, nous n’avons pas la prétention de
nous dire experts en la matière. Il nous semble cependant que le délai de trois
mois passé à sécher aurait pu être
écourté. Mais l’entreprise disparait soudainement. « Ah non, Monsieur
Perez a été appelé en urgence sur un chantier à Brest, Marseille, Budapest –
rayez la mention inutile. Je peux prendre un message ? Il vous rappellera
dès que possible. »). Le terme « urgence » étant fortement
appuyé, on s’incline en imaginant la situation de précarité qu’ont dû endurer
les pauvres gens en vraie situation d’urgence. On s’inquiète juste à l’idée
qu’à son retour, Monsieur Perez nous reproche « Ah ben Monsieur Hanriot,
il est trop sec là, votre béton, il faut que je reprenne tout ça pour
l’humidifier, sinon comment je peux travailler ? ».
On
sait que la nature a horreur du vide, l’entrepreneur en bâtiment aussi. Bien
que présent sur un chantier lointain, c’est bien dans la chambre de l’enfant
numéro 1, encore grenobloise qu’il entrepose pendant un bon mois un matériel
dont la seule fonction semble être d’occuper le terrain en le rendant
parfaitement inaccessible à toute entreprise concurrente.
La salle de bain,
« presque » terminée, nous
reste un montage électrique assez innovant à l’observation duquel nos
connaissances techniques nous laissent penser que le plafonnier et la veilleuse
du lavabo ont été rebranchés en série. En tout cas, quand on éteint l’un, il
éteint l’autre et quand on allume l’autre, la puissance du premier diminue
d’autant.
Alors que les corps
de métier défilent encore pour diverses finitions, on leur fait la démo de la
veilleuse qui bouffe l’énergie du plafonnier sans qu’aucun ne semble s’en
offusquer. Le plombier décline, le maçon refuse, le carreleur refile le truc au
peintre qui doit passer après. Le peintre, dernier de la liste, ne peut que
brocarder le carreleur « ah ben il est gonflé, lui, je
suis pas électricien. On va vous envoyer Monsieur Perez ».
Monsieur Perez
contemple l’œuvre d’un œil professionnel mais (osons l’affirmer) peu inspiré.
Après plusieurs essais qui l’amènent à constater le phénomène qui ne le choque pas plus que le reste de son équipe, il sort ce verdict. « Ben oui, mais comment je fais, moi, j’ai qu’une phase ». Ce qui prouve qu’il n’est pas tout à fait comme la lune qui, elle, en a plusieurs.
Il re-disparaît assez vite, sans doute toujours pour chercher
une phase sur un chantier urgent.
On est sans nouvelle
depuis plusieurs mois malgré une ardoise de près du tiers de travaux, ce qui nous
met la phase à plutôt cher…
Travaux,
aménagements, projets
Trouver une phase et
finir l’autre salle de bains.
Aller à Lisbonne,
d’ailleurs les billets sont pris. Ben oui, mais on fait comment pour
l’Irlande ?
Vaste monde cruel
Le Dakar démarre
« sous une chaleur écrasante », à tel point qu’un des organisateurs
décide que la spéciale pour les motos est écourtée (pour les nuls, nous
n’avons-nous-mêmes aucune idée de ce que peut être une « spéciale »,
et en plus…). On entend un candidat protester que si c’est pour faire une course
de chochottes, c’était pas la peine de venir de si
loin. La compétition reprend un peu de virilité le lendemain quand on apprend
qu’un motard décède, d’hyperthermie.
Carnet mondain,
fin
7, 8 et 9 janvier. Décès de Ahmed Merabet, Bernard Maris, Cabu, Charb, Elsa Caya, Franck Brinsolaro, Frédéric Boisseau, Honoré, Michel Renaud,
Mustapha Ourrad, Tignous et
Wolinski, Clarissa Jean-Philippe puis François-Michel Saada, Philippe Braham, Yoav Hattab
et Yohan Cohen.
Impossible de ne pas les citer tous, difficile de ne
pas pleurer plus ceux dont les dessins et les mots nous ont inspirés, de ne pas
se dire que sont maintenant nulles nos chances d’obtenir un autographe de Cabu et que Willem a eu de la chance d’arriver en retard de
l’Ile de Groix où il rentrera voir sa croix.
Une fin de semaine éprouvante se termine le dimanche
soir (comme n’importe quelle semaine) après une journée fatigante mais qu’on
espérait apaisante. C’est en regardant un nouvel hommage télévisé qu’on
s’effondre (encore) en sanglots de rage « Mais c’est horrible comment
peut-on tuer Cabu ? ». « Et en plus ce
poulet rôti qui ne veut pas cuire ». Qu’on se rassure, ça s’arrangera,
pour le poulet. (En fait pour lui, pas vraiment).
La semaine suivante, en se procurant le tant attendu
nouveau numéro de Charlie et son dessin de couverture dont rien ne prouve qu’il
soit une caricature, en entendant les réactions d’indignation des uns, en
découvrant les graffitis des autres, on comprend bien que la connerie n’a pas
vraiment reculé.
On ne se prive pas de rire en pensant que ces gens
qui représentaient la lie de la société, celle qui ne respecte rien, celle qui dégoûte
le bourgeois mais heureusement est interdite de publication tous les quatre
matins se retrouvent promus ( ? ) héros nationaux
et citoyens d'honneur de la ville de Paris, avec minute de silence et drapeaux
en berne, n’évitant ni le glas de Notre-Dame ni une messe à la cathédrale
d'Angers. N’oublions pas la page d'accueil de l'intranet d’Orange. Ajoutons
enfin le nouveau président obligé ( ? ) de
recevoir son regrettable prédécesseur (qui s’imagine plus que jamais en
successeur), peut-être pour évoquer le bon vieux temps où la couverture du
journal représentait le vainqueur passant la tête du vaincu au hachoir à
viande.
On imagine le dialogue « J’avais trouvé ça très
fin, très spirituel, pas vous ? Si, si bien sûr ! Quel talent, ce Luz ! Quelle perte pour la liberté d’expression !
Ah, il s’en sorti, vous dites ? Eh bien, tant mieux…».
Le 21 janvier, le numéro de Charlie-Hebdo ne sort
pas, c’était bien la peine de faire les malins pour celui du 14.
A Cavanna, merci
pour tout.
Aux autres, qui
l’ont suivi trop tôt.
Parent
numéro 1 : Hélène. Bisous et bonne
santé.
Parent numéro 2 : Didier. Bisous et bonne année.