Chattes numéros 1 et 2

Après une année routinière passée à ramener systématiquement la même souris en peluche à des maîtres qui se forcent parfois à considérer cette tâche répétitive comme un exploit, vivent comme un traumatisme le démantèlement progressif de la maison (voir plus bas) et se réfugient à la cave d’où une bonne heure d’affût sera nécessaire pour les extirper.

Embarquées de force dans le déménagement (voir plus bas), après une courte période de stress, constatent que l’utilisation d’un fauteuil Louis XV ou Louis XVI par personne (même s’il s’avère n’être pas d’époque) peut compenser la disparition d’un canapé partagé.

 

Enfant numéro 1

Quoi que validant brillamment son master 1 (de droit) à la Sorbonne, ne peut accéder au master 2 dont on croyait qu’il constituait (de droit) la suite logique.

Après quelques tentatives en régions (de Nanterre à Montpellier et de Nantes à Montaigu) et après avoir écarté une forte tentation suisse, choisit de s’expatrier en la belle ville du pont des soupirs et des bateaux qu’on manœuvre un canotier sur le tête : Cambridge (il y avait un piège), ville aux trente et un  collèges, traversée par la rivière Cam (d’où le nom) et des myriades de bicyclettes montées par des étudiants dont la distraction favorite après les cours est de dégommer le touriste distrait. Dans cet environnement cosmopolite, fait enfin le dur apprentissage de la vraie vie estudiantine.

 

Enfant numéro 2

N’a jamais eu de problème de vie estudiantine et continue à assurer au maximum dans ses activités faluchardes et périphériques (« accompagnement vie scolaire » qui rapporte des crédits qui donnent des points pour avoir son diplôme). Un peu moins de réussite dans des matières secondaires comme la biologie, la virologie et autres logies l’empêche d’obtenir sa licence. Ce n’est que partie remise.

Rédige en moins d’une heure un impressionnant mémoire à destination de sa sœur chargée d’un exposé sur un sujet typiquement français. Le sujet choisi par la sœur est la faluche dont la renommée s’étend maintenant jusqu’à Cambridge.

 

Boulot numéro 1

Grâce aux activités extra-scolaires les enfants savent maintenant reconnaître au premier coup d’œil une œuvre de Louise Bourgeois, Niki de Saint-Phalle, Yves Klein ou Thomas Hirschhorn. Ils sont pris de panique à l’annonce d’une interro surprise sur la table de 2. (« Oh non, maîtresse on croyait qu’il fallait réviser la spécificité du langage traité comme un instrument rhétorique dans l’œuvre de Hirschhorn »). Et, savent-ils le nombre de litres dans un mètre cube ?

 

Boulot numéro 2

Toute dépense informatique doit être justifiée par un R.O.I. (pour les nuls « retour sur investissement ») et validée par le payeur après étude d’un scénario alternatif. En observant Gégé (voir plus bas) creuser des fondations au marteau-piqueur, on s’imagine bien aller lui demander comment il a calculé le R.O.I. de son marteau-piqueur et s’il peut prouver que creuser le trou à la petite cuillère n’aurait pas été plus économique.

 

Voyages

A pâques, après avoir (vraiment) réfléchi à une escapade sicilienne et envisagé les plus osés déplacements, on trouve finalement plus prudent, plus facile et plus agréable de rester en terra cognita donc en Irlande où les moutons ont perdu en liberté ce que les automobilistes ont gagné en sécurité.

 

En suivant un peu le même raisonnement à l’été, on se retrouve à New-York où le Novotel offre une terrasse superbe propice à la dégustation de cosmopolitans et au comptage de taxis jaunes, de lumières de Times Square ou de Harley Davidson en voyage commémoratif du 11 septembre.

 

Abercrombie and Fitch (pour les nuls se reporter au bilan 2008) dépassé par son propre succès se doit pour n’être pas dépassé par ses concurrents d’ouvrir une filiale (Hollister) ciblée ados et construite autour d’un concept très côte Ouest (au niveau du concept, tu vois). La différence la plus notable par rapport à la maison mère est que les vendeuses qui se trémoussent à l’entrée ont troqué le délicieux ensemble mini-jupe écossaise, petit haut en cotonnade pour un bikini dont le souvenir aidera sans doute les pères de famille à supporter l’addition que leur prépare leur chère tête blonde.

 

On va enfin à la plage de Coney Island (plus la peine de se priver : c’est direct par la ligne N).

 

Alors que, se sentant plus Newyorkais que jamais, on s'enhardit pour visiter Harlem à pied, on est abordé par un titubant mais sympathique ex-prof d'Université qui narre l’histoire de quelques glorieux afro américains ayant habité le quartier. On se prend déjà pour Livingstone, voire Bernard Lavilliers allant à la rencontre des populations locales quand on est refroidi par un avertissement sans frais « Harlem is still Harlem, you know » et ses corollaires (cachez votre appareil photo, vos bijoux, marchez au milieu du trottoir, vérifiez si vous n’êtes pas suivi » qui nous font nous rabattre sur central parc comme de vulgaires touristes en dissimulant le bracelet acheté la veille chez Tiffany (Oui c’était juste pour placer le bracelet Tiffany).

 

Au hasard des pérégrinations, on traverse Tribeca, on passe devant le Sofitel…

 

L’année ne se termine pas sans une visite à l’enfant numéro 1, on fait du punting sur le Cam, on passe sous le pont des soupirs, on manque d’être écrasé par une myriade de cyclistes.

 

Vaste monde rigolo

Les spécialistes de l'effet papillon ne s'étonnent pas qu’une éjaculation peut être encore socialiste et certainement newyorkaise ait pour conséquence la nomination à la tête d’une grande institution chargée de «promouvoir la coopération monétaire internationale » d’une ex-ministre impliquée (selon la cour de justice de la République) « personnellement dans un processus comportant "de nombreuses anomalies et irrégularités"» dans l’affaire du dédommagement de Bernard Tapie et celle, à la tête d’un important secrétariat d’état, d'une grosse andouille (selon nous) amateur de pièces jaunes. Les autres restent confondus par un tel enchaînement de catastrophes.

 

Musique et autres distractions

On ne peut pas dire que Madame Butterfly ait eu une vie très fun. Pour écouter Yusuf, il vaut mieux penser à Cat Stevens qu’à Salman Rushdie. Dylan de retour à Paris.

A la fête de l’huma, Lavilliers répète qu’il n’a pas peur (lui) de s’aventurer dans Harlem, et Joan Baez fait de l’humour devant son public transi par une pluie glaciale «Maintenant vous savez comment c’était à Woodstock ».

 

Travaux et aménagements.

Quelques jours, avant ou après la date anniversaire de l’obtention du permis de construire, en tout cas juste après avoir rafraîchi au feutre noir la version règlementaire encore lisible depuis la voie publique mais passablement délavée par les attaques météorologiques, on voit arriver au sentier de la sablonnière la fine équipe à Gégé.

Ce démarrage fait suite ou précède de peu les visites légales menées avec un huissier assermenté (les huissiers sont toujours assermentés, c’est pour ça que quand ils annoncent le vainqueur de la StarAc, il faut les croire) auprès des trois voisins directement concernés. Ce sont surtout les trois voisines qui se chargent de l’accueil, donnant à ce sens trois acceptions assez différentes.

La première paraît surtout étonnée de la visite en elle-même et de la présence de l’huissier (il faut dire que ces gens-là, même quand il ne s’agit pas de saisir des meubles, semblent avoir une prédilection pour les visites à huit heures du matin).

La deuxième s’inquiète de ne plus voir le soleil depuis son lit une fois l’élévation terminée et de la destruction d’un mur en brique qui a fait la réputation de ses réceptions entre amis ; la troisième a simplement choisi de faire de la résistance jusqu’aux derniers beaux jours, par tous les moyens, virevoltant de prétexte idiot en excuse abracadabrantesque pour repousser la rencontre.

Quand le rendez-vous retardé une dernière fois pour cause de coupe du monde de rugby, a finalement lieu, et qu’elle s’enquiert de tous les détails pratiques et juridiques du chantier jusqu’au bouquet final : « et si un ouvrier tombe dans mon jardin ? », on est tenté de lui demander si sa question est relative aux assurances ou au nettoyage final sur lesquels on croyait lui avoir donné toutes les précisions nécessaires. Cependant, malgré une belle victoire de l’équipe de France de rugby (les victoires de l’équipe de France de rugby sont toujours belles), l’ambiance générale n’est pas à la plaisanterie.

Les travaux commencent par une destruction méthodique du garage et du barbecue qui s’y croyait à l’abri mais a finalement dû rendre ses dernières braises

 

Lorsqu’arrivent les choses sérieuses, on s’aperçoit qu’il n’est décidément pas possible de construire du neuf sur de l’aussi vieux et que (entre autres) votre plancher ça va pas du tout il faut changer les solives et les solivettes, et d’ailleurs il est 6 cm plus bas au milieu que sur les bords. Pour se rassurer, l’ingénieur pense in petto que tout cela n’est peut-être pas si grave si la courbe décrite par la solivette est bien une harmonieuse chaînette (nom vulgaire du cosinus hyperbolique) et imagine même une sortie appuyée par une démonstration à laquelle il renonce vite sentant que son assiduité aux cours de résistance des matériaux a finalement laissé quelques lacunes qui ne lui permettront pas d’empêcher l’addition finale de monter inexorablement. (Sans mentionner qu’il n’est pas du tout certain que le machin incriminé soit une solivette).

 

Le circuit électrique subit les mêmes réflexions désobligeantes : vous pouvez pas brancher des prises sur du 1,5 la norme, c’est du 2,5, là ça va cramer. « Euh c’est le diamètre ?» demande l’ingénieur, histoire de montrer qu’il participe au débat et qu’il est capable de rebondir sur une remarque technique. Oui c’est l’épaisseur du câble lui répond-on. L’ingénieur n’insiste pas, sentant que son assiduité aux cours d’électricité a finalement laissé là aussi quelques lacunes, puis vérifie dans les meilleurs délais que pour une tension (monophasée) de 230 volts une section de câble de 1,5 mm2 ne peut guère monter qu’à 10 ampères, alors qu’avec 2,5 mm2 on peut produire 16 ampères en toute sécurité. Ouf, 16 ampères, c’est bien, non ? Hein ? C’est bien ?

 

Le toit démonté, les combles sont protégés par une bâche insuffisamment amarrée au reste de la maison (on manque de normes pour la section des câbles de bâche !). Par une belle nuit de tempête pluvieuse on est obligé de refixer la voilure pour éviter qu’elle ne s’en aille (en emportant ou pas quelques morceaux de la maison). En tirant sur les 20 m2 en prise au vent, on se sent moins méprisant vis-à-vis de quelques héros populaires dont la grandeur nous avait jusqu’ici échappé : Tabarly, Kersauzon et Riguidel. Dès que le vent tournera, je me recouchera

 

On quitte les lieux en fin d’année, pour s’installer rue des Dames (17ème), rassuré d’avoir constaté que le trou dans la cour en souffrance depuis deux bonnes années est rebouché.

 

A Paris aussi, des travaux de rénovation sont nécessaires. Confiés à Mobalpa Montrouge (que chacun retienne cette adresse). Equipe composée d’une conceptrice commerciale à talons haut dont le logiciel 3D lui permet d’emporter le marché, et de dessiner en quelques clics une tablette sous chaudière qui en rend les robinets inaccessibles ; d’un menuisier qui exécute les plans à la lettre (et rend –on s’en doute- les robinets de la chaudière inaccessibles) ; de deux plombiers : le premier casse les poignées de porte, pose les tuyaux arrachés sur l’armoire en bois de rose et est licencié au profit du deuxième qui inverse les tuyaux d’eau chaude et d’eau froide, oublie les clés dans l’appartement après avoir coupé l’eau de l’immeuble ; d’un électricien qui ne se sent concerné ni par les problèmes de fusibles qui fondent ni les ampoules qui explosent (et si ça se trouve ne sait même pas qu’il faut mettre du 2,5 pour supporter du 16).

Cette belle homogénéité est gâchée par un peintre serviable qui pense à poser des bâches pour protéger les meubles (provoquant l’admiration peut-être un peu exagérée des clients désespérés), et n’hésite pas à dénoncer ses petits camarades : « Vous avez vu la porte qu’ils vous ont posée ? Il y a un éclat qui est parti et même ils l’ont caché en repassant un peu de peinture ! »

 

L’année se termine par un échange de courriers recommandés

 

Malgré cela, l’accoutumance à la vie parisienne se passe aussi vite et bien pour les maîtres que pour les chats. La maison aura intérêt à être belle pour nous faire supporter de repasser le périf dans le mauvais sens, en avril, dit-on.

 

 

 

 

 

Travaux, aménagements, projets :

Maintenant que c’est commencé, que ça se termine.

 

Vaste monde cruel

Dakar : on lit dans la presse que « le Français Bruno Da Costa a été grièvement blessé en percutant une vache à 175 km/h. »

Il semble qu’il s’agisse seulement de la vitesse du motard et que la vache, qui était à l’arrêt, soit morte tandis que l’autre crétin pourra rejouer le boucher argentin l’année prochaine.

 

Nos lecteurs depuis plusieurs années n’ont pas manqué de remarquer que cette chronique a toujours fait preuve d’une neutralité absolue sur la chose politique. Jamais, et c’est bien normal, les opinions personnelles des auteurs n’ont pu transparaitre dans le récit de leurs aventures ni dans la relation de fait parfois extérieurs.

Nous avons à plusieurs occasions fait allusion à celui que nous appelâmes longtemps le nouveau président.

Nous nous étions contentés de constater sa connivence avec les milieux financiers, son mépris pour le peuple en général, son application méticuleuse à démanteler le service publique au profit de ses riches amis et de son incompétente marmaille, son absence totale de scrupule,  sa vulgarité, sa forte tendance à intégrer dans son équipe des collaborateurs racistes et malhonnêtes, bref nous nous étions contentés de constater avec la plus grande objectivité qu'il avait tenu avec le plus grande rigueur le rôle de suppôt du patronat à la solde du grand capital international que lui ont confié ceux qui l'ont mis là où il est. Mais nous n'avions laissé transparaître aucun jugement spécifique à son égard.

En cette année 2012, il est temps de briser un tabou et de prendre position. Dévoiler l’insoupçonnable quant à notre sentiment sur cet homme et affirmer que nous ne souhaitons pas réellement sa réélection. Plus exactement, nous ne l’aimons pas. Plus exactement, quitte à parodier ouvertement le Guy Bedos de 81, nous sommes prêts à perdre toute dignité pour en retrouver un peu et à nous rouler par terre en suppliant qui veut nous entendre en ces termes peu ambigus : « Vous allez voter, débarrassez-nous en !».

Merci à vous.

 

Parent numéro 1 : Hélène. Bisous et bonne santé.

 

Parent numéro 2 : Didier. Bisous et bonne année.